L'avenir doit se conjuguer au présent. C'est pourquoi, en dépit de la conjoncture qui ne pousse pas à un optimisme excessif, en particulier en matière d'activités touristiques, deux réunions se sont tenues la semaine dernière, la première dans un futur gîte rural de l'arrière-pays tunisois et la seconde dans une maison d'hôte en plein cœur de la Médina de Tunis. Sujet : le développement du créneau de l'hébergement chez l'habitant sous toutes ses formes, c'est-à-dire en pension de famille, en chambre d'hôte, en gîte rural, etc. Il faut dire que cette formule, si répandue et depuis si longtemps dans les autres destinations touristiques — et parmi les plus grandes d'entre elles, telles que la France , l'Italie et l'Espagne, sans compter les «nouveaux venus», tel le Maroc —, fait pour ainsi dire totalement défaut chez nous. De rares pensions héritées de l'époque coloniale continuaient de végéter presque dans la clandestinité et certaines chambres d'hôte, à Tunis, accueillaient de rares clients qui se passaient les adresses de bouche à oreille. Manque d'esprit d'initiative chez les promoteurs ? Certainement pas. Aujourd'hui que la révolution a délié les langues, on le dit tout haut: c'était une politique délibérée des autorités qui n'avaient rien moins horreur de voir les visiteurs étrangers se mêler à la population tunisienne, connaître de près non pas tant les installations d'accueil que leur environnement humain, social, économique et, fatalement, politique; elles avaient peur pour leur image de marque et, en même temps, de la «contamination». Aussi, préférait-on «ghettoïser» la clientèle étrangère dans des zones touristiques isolées de la vie locale, plus faciles à contrôler. Dans l'opération, on perdait une frange de clientèle individuelle généralement de plus haut niveau social et économique et dont la connaissance plus approfondie du pays grâce, en particulier, à l'accueil personnalisé dont ils font systématiquement l'objet de la part de leurs hôtes, nous aurait assuré de leur amitié et de leur fidélité. Sans compter que dans les régions de l'intérieur qui regorgent de trésors naturels et civilisationnels, aucune autre formule n'est plus adaptée au développement du tourisme écologique et culturel tant claironné au cours des deux dernières décennies pour lancer une diversification du produit touristique qui n'arrive pas à voir le jour et pour promouvoir dans ces zones déshéritées l'emploi qui leur fait si cruellement défaut. Des actes de «rébellion» Non pas qu'il n'y eut pas d'actes de «rébellion». Une poignée de promoteurs parmi les plus décidés ont entrepris d'aménager des gîtes ruraux qui à Béja, qui à Zaghouan ou au Kef, ainsi que dans la campagne tunisoise; d'autres ont installé des chambres d'hôte dans quelques villes touristiques. Mais dans la plus parfaite illégalité. Aucune disposition réglementaire n'organisait leur secteur naissant. Résultat : ils étaient à la merci du bon vouloir des autorités locales qui, par endroits, ont préféré tolérer l'initiative plus que l'autoriser, tandis qu'ailleurs elles s'acharnaient sur le pauvre promoteur. Les plus têtus parmi ceux-ci et qui préféraient agir dans la légalité se faisaient renvoyer d'un département à l'autre pour toutes sortes d'autorisations, du Tourisme à l'Intérieur et de l'Agriculture à l'Environnement. Au cours des derniers mois de l'an passé, le ministère du Tourisme, sous l'impulsion d'énergiques promotrices, il faut le dire, a bien fini par prendre le taureau par les cornes pour un examen approfondi de la question et pour organiser une profession — distincte de l'hôtellerie — asphyxiée par la bureaucratie. Les choses en étaient là, quand la révolution est venue tout remettre à plat. A quelque chose changement est bon ! Et ce changement se traduit aujourd'hui par la volonté de s'organiser sur le plan professionnel pour être un partenaire incontournable de l'administration dans la définition des statuts et règlements du secteur et pour être un acteur efficient sur le marché national et international. Deux réunions sur un même sujet en deux endroits différents avec une assistance partiellement commune : voilà qui, pourtant, pourrait mettre un bémol à l'enthousiasme de l'observateur. Mêmes préoccupations, mais… La première rencontre s'est tenue jeudi dernier dans un superbe gîte rural en devenir, le «Jardin des Agaves», dans la campagne de Mornaguia et a rassemblé une douzaine d'opérateurs venus de la capitale, du Cap Bon et du Sahel, dont un voyagiste, Souheïl Mouldi, infatigable explorateur de produits nouveaux, et désireux de mettre en place un circuit culturel et écologique adossé aux maisons d'hôte. La seconde a rassemblé autant de participants autour de la dynamique Amel Jaïet, propriétaire d'une maison d'hôte à Hammamet, et journaliste militante, le secrétaire d'Etat au Tourisme étant l'hôte de marque de cette réunion qui s'est tenue, deux jours plus tard, à Dar Haydar, belle demeure tunisoise sur les hauteurs de Ras Darb. Faut-il rapporter que les mêmes sujets ont été mis sur le tapis, lors des deux rencontres ? Que les mêmes questions y furent posées, les mêmes arguments développés et que les mêmes attentes s'y sont exprimées? On regrettera de ce fait l'absence de convergence entre les deux démarches qui vont probablement aboutir à la constitution de deux structures distinctes, deux associations à première vue, la première étant déjà en cours de constitution. Cela se traduirait par une regrettable dispersion des efforts au moment où il faudrait plutôt les unir pour un optimum de résultats. Cela dit, c'est cela aussi le pluralisme tant rêvé.