A Kairouan, il y a une centaine de bouchers et presque autant d'abattoirs clandestins à domicile ou ailleurs. Ainsi 70% de l'abattage des animaux est illégal. En général, on a recours à l'abattage clandestin pour échapper aux taxes municipales ainsi qu'à la saisie des vétérinaires (en cas de maladie de l'animal, de son âge ou de son poids non conformes à la législation). Ainsi on livre aux consommateurs de la viande non contrôlée et souvent avec un estampillage falsifié, ce qui constitue un danger pour la santé du citoyen. Ceci sans oublier le fait que plusieurs bouchers exposent leur marchandise en plein air, les vitrines frigorifiques n'étant là que pour le décor. Evidemment, la police municipale et le service d'hygiène infligent souvent des amendes et saisissent la viande non estampillée, mais les infractions perdurent. En outre, le transport des carcasses de viande de l'abattoir aux différentes boucheries se passe dans des conditions lamentables, camionnettes non frigorifiées, sans crochets… Nous nous sommes rendus à l'abattoir communal de Kairouan, construit il y a 7 ans, au quartier Dar El Amen, pour un coût de 1,200MD. D'emblée, nous avons été choqués par le grand nombre de moustiques et les très mauvaises odeurs d'eaux usées mélangées de sang qui nous ont coupé le souffle. En effet, tout est en panne, dans ce projet dit «présidentiel» et ceci depuis trois ans, comme nous l'expliquent les responsables Radhouane Hamdi, Larbi Zaïri et Néji Manaï, rencontrés sur les lieux avec notamment un incinérateur devenu un dépotoir d'abats pourris, des égouts débordés, des lavabos et des échaudoirs cassés, trois chambres froides dont le circuit électrique est défectueux et où logent de gros rongeurs. Le passage dans ces lieux est un vrai calvaire. A côté de cela, les grillages et les vitres des fenêtres sont brisés et la plupart des robinets hors d'usage. «Le vidage des conteneurs par les éboueurs municipaux ne se fait que très rarement…», explique un de nos interlocuteurs. Par ailleurs, dans l'immense hangar où on procède à l'abattage et au dépeçage des veaux et des moutons, on constate que les carcasses sont suspendues à des crochets. En outre, le circuit d'éclairage à l'intérieur et à l'extérieur de l'abattoir est défectueux avec des câbles qui traînent par terre et des lampes cassées, d'où un nombre de vols important commis tous les soirs : «C'est pourquoi depuis la Révolution du 14-Janvier et la multiplication des pillages, les bouchers ne veulent plus venir à l'abattoir. Auparavant, on recevait 8 veaux et une centaine de moutons par jour. Maintenant, on reçoit un ou deux veaux et une dizaine de moutons. Espérons que le nouveau comité communal corrigera le lourd déficit d'hygiène de l'abattoir…», ajoutent les trois responsables. Notons que toutes ces mauvaises conditions facilitent la prolifération du kyste hydatique à Kairouan où on enregistre beaucoup de cas chaque année.