Par Taha BELKHODJA* On a toujours cru que les hommes de loi tels que les juges, avocats et huissiers représentent la sagesse et le bon sens, hélas nous assistons depuis quelque temps à une «valse» de manifestations très regrettable. Ça ne ferait pas de mal à nous tous en tant que citoyens responsables de commencer à balayer devant nos portes. C'est très décevant de voir les symboles même de notre plus haute structure judiciaire faire la grève, sachant que les grèves en période de crise nationale sont interdites! Quelle image offrirons-nous aux médias étrangers ? Le monde entier a envié notre révolution très propre à l'origine qui est en train de sombrer dans l'obstruction, préservons messieurs cette bonne image de notre chère partie. J'appelle solennellement tout Tunisien, les hommes de loi en premier lieu, qui se dit citoyen responsable d'oublier ses tendances partisanes et les problèmes sectoriels, de ne pas être un courtermiste et voir loin, de voir comment remettre sur pied notre pays, notre souci majeur. Il est vrai que nous jouissons d'une liberté totale aujourd'hui, mais si on consomme mal cette liberté, il y aura un retour de manivelle et on risque de le regretter pendant des années et nos enfants ne le pardonneront pas. Il est de notre intérêt à tous d'oublier, pendant les quelques mois à venir, toute forme de manifestation et de faire preuve de tolérance et de patience. Nous avons des droits mais nous avons aussi des devoirs, il est inconcevable que les avocats, silencieux pendant des années, viennent réclamer aujourd'hui un décret-loi qui traîne depuis des décennies (1989) ! Soyons sérieux messieurs, il n'y a absolument aucune urgence à ce que vous demandez, le gouvernement provisoire n'a pas à résoudre ce genre de problème à caractère structurel, il faut que tout le monde le sache et arrête tout harcèlement de ce type provoquant des polémiques gratuites, cela nécessite une étude approfondie au niveau du gouvernement élu, disposant de temps matériel suffisant, et des négociations bien élargies à travers la prochaine Chambre des députés plus tard. Il est de notre devoir d'éviter l'opportunisme et la pression, comportons-nous comme des gens civilisés, ça n'a pas de sens qu'on argumente ce projet de décret-loi par crainte qu'un 2e Ben Ali surgisse sur la scène, parce que Ben Ali n'est devenu ce qu'il est qu'après deux ans au moins. Ce genre de dérive se développe petit à petit, bien sûr, c'était la gymnastique des passionnés du culte de la personnalité qui sont toujours là parmi nous et ce sont eux qu'il faut combattre, c'est connu, ils se manifestent le plus souvent au-devant de la scène. Ce qu'il faut défendre avec acharnement aujourd'hui c'est plutôt l'indépendance de la justice, ce principe incontournable est la solution à votre crainte et celle de tout citoyen tunisien, faute de quoi même avec les meilleures lois du monde, un dictateur impose ses propres lois. Soyons honnêtes avec nous-mêmes messieurs, personne n'est sans savoir que certains avocats sont mêlés à des affaires de corruption et de malversation, ceci n'est pas propre à eux, ça touche les magistrats également et toutes les professions d'ailleurs, il y a de tout dans un monde, des bons et des mauvais. Comme l'histoire d'immunité, dans l'intérêt de tout le monde, elle doit être éradiquée pour toutes les professions et activités abstraction faite du président de la République tant qu'il est en exercice pour question de prestige international. La loi est au-dessus de tout le monde et il n'y a aucune raison pour qu'on accorde un traitement de faveur à un homme de loi ayant commis un délit. Bien au contraire, nous sommes dans le cas où on se passe de dire que «nul n'est censé ignorer la loi» et que chacun prenne ses responsabilités. Messieurs, un homme de loi doit constituer l'exemple à suivre, il représente la justice, la transparence, l'intégrité… sinon on ne reprochera plus rien alors à Monsieur Tout-le-Monde !