Avec quelques autres localités du bassin minier de la région de Gafsa, la ville de Métlaoui a tenu, ces derniers temps, le devant de la scène. Des événements graves sont venus rappeler avec insistance—avec véhémence et même, par moments, de manière tragique—l'ampleur des injustices et la profondeur des frustrations que cette région a cumulées au fil des décennies. Une région pourtant riche par ses ressources naturelles dont elle ne tire, cependant, que de très maigres retombées. Le phosphate vient en premier lieu à l'esprit quand on évoque ces ressources. Mais ce n'est pas la seule richesse de la région et plus particulièrement de Métlaoui. Une ville minière est généralement associée à l'image d'un paysage urbain gris sur fond d'installations géantes et d'engins monstrueux qui brassent des montagnes de poussière. Ce n'est pas totalement faux. Reste que les localités de ce bassin au sud de la ville de Gafsa, créées de toutes pièces à l'aube de l'ère coloniale en Tunisie, ont un cachet singulier qui ne manque pas d'étonner le visiteur : un style architectural de type vernaculaire européen tout à fait inattendu sous ces latitudes. Ou plutôt elles l'avaient. Car la fantastique et fort mal gérée explosion urbaine enregistrée ces dernières décennies a plongé le noyau originel dans un chaos architectural inouï. Ces villes en sont devenues laides et anonymes, à l'instar de bien d'autres cités victimes du même désordre architectural et urbain. Si nous nous arrêtons à l'exemple de Métlaoui, c'est parce que cette localité a bénéficié, dès les origines, du statut privilégié de centre administratif et technique de la société exploitante de tous les gisements miniers de la région. A ce titre, elle a été dotée de meilleurs équipements urbains que ses voisines. Elle a également été le centre de collecte de toutes sortes de curiosités géologiques découvertes dans les entrailles du sous-sol dans tout ce périmètre. Au fil du temps s'est constituée une collection remarquable d'échantillons rocheux, de plantes et d'animaux fossilisés. Si on se souvient que la coquette gare de Métlaoui est, depuis la fin des années 1970, le point de départ d'une excursion dans les superbes gorges voisines de la Thelja (Selja, dans les manuels anciens), on voit qu'il y aurait là les ingrédients d'un «package» touristique à même de faire de l'endroit au moins une halte touristique prolongée, génératrice de revenus dans plus d'un domaine. L'idée en a été timidement ébauchée ces toutes dernières années et s'est traduite par l'aménagement d'un «musée national des Mines», inauguré en grandes pompes. Il s'agit, en fait, d'un hangar dont on a embelli l'entrée et dans lequel on a exposé, avec plus ou moins de sens de l'esthétique, les objets collectés au siège de la Compagnie des phosphates de Gafsa, qu'il s'agisse des vestiges géologiques ou de matériels d'exploitation minière (locomotive et wagons sur rails, tenues, casques, lanternes à carbure, outils, etc.) Rapines ! Ce n'était bien évidemment pas suffisant pour faire de Métlaoui une destination touristique. Les touristes ont continué à débarquer à la gare pour l'excursion de la Selja et repartir aussitôt de retour sans laisser le moindre sou dans le commerce local. Il aurait fallu pour les retenir quelques heures, aménager un circuit dans la ville pour en montrer le cachet architectural (ou ce qu'il en reste) qu'il aurait fallu mettre en valeur. Pour cela, il aurait fallu une vision et un programme d'action dont les autorités municipales étaient totalement dépourvues dans le contexte de servilité qui prévalait dans tout le pays. Non seulement aucun progrès n'a été accompli sur cette voie, mais l'unique réalisation accomplie dans ce sens, c'est-à-dire le musée, a fait l'objet de rapines! Des dizaines d'objets ont disparu sans que, apparemment, personne ne s'en soit aperçu et encore moins demandé des comptes. Le gardien ne sait même pas de quelle autorité il relève! Avec l'instauration de la démocratie, nous allons avoir affaire à des municipalités responsables qui auront à cœur d'accomplir leur tâche avec un maximum de probité et d'efficacité afin de mériter la confiance de leurs électeurs, puisque élections il y aura et non désignation équivalant à vassalisation. Alors, nous ne fondons pas un espoir insensé en nous attendant à voir la première équipe municipale élue à Métloui s'employer d'urgence à sauvegarder ce qui peut l'être encore du patrimoine architectural et urbain de la ville et à récupérer les objets détournés pour les mettre au service de la promotion du tourisme dans cette localité.