Un sérieux problème de mentalité, bien pire que celui du manque de moyens matériels et humains La campagne de propreté menée par la municipalité de Tunis, en collaboration notamment avec les municipalités des gouvernorats du Grand-Tunis, ainsi que le ministère de l'Intérieur, la Garde nationale et les scouts de Tunisie, se poursuit telle une tentative inlassable et vaine, à la fois, visant à rendre au paysage urbain sa fraîcheur et sa décence perdues. Après le traitement pointu des localités fort polluées du Grand-Tunis, à savoir la zone de Sidi Hassine, celle de Mnihla, Le Bardo, La Manouba, les efforts se sont concentrés, hier, sur la zone d'El Harayria. El Harayria se présente au visiteur comme une localité dépourvue de toute esthétique urbaine : la laideur des constructions anarchiques se trouve accentuée par le flagrant déficit du souci de la propreté de l'environnement. En effet, la pollution constitue une partie prenante de cette zone urbaine à dominante populaire. Les déchets domestiques rivalisent l'espace avec ceux solides, conférant au paysage un aspect de «gourbi». Au niveau du rond-point situé sur l'avenue principale d'El Harayria, une banderole a été placée, informant le public de l'organisation de ladite campagne. Une équipe d'ouvriers accompagnée de responsables relevant de la municipalité de Tunis vient de terminer son travail. «Depuis son lancement, la campagne de propreté se poursuit pour toucher toutes les localités. Dimanche dernier, nous avons axé le travail sur la zone de Sidi Hassine. Aujourd'hui, nous avons déployé des ressources matérielles et humaines pour intervenir dans le quartier d'El Harayria. Et dimanche prochain, nous serons à Fouchana et M'hamdia», indique M. Hassen M'henni, technicien à la municipalité de Tunis, chargé de la maintenance des engins spécial propreté. Pour dépolluer les lieux, la municipalité ainsi que les parties alliées ont déployé les moyens matériels et les ressources humaines nécessaires à la tâche. Aussi, quelque 87 engins ont été mobilisés, dont une cinquantaine de camions, une dizaine de «trax», ainsi que 23 tracteurs ont-ils été utilisés à cet effet. Les municipalités alliées ont, également, chargé plus de 300 agents de propreté pour la collecte des déchets. «Malgré nos faibles moyens, nous tenons à réussir cette campagne et à faire de notre mieux pour dépolluer le milieu urbain», souligne M. M'henni. Et d'ajouter que la municipalité s'apprête à rénover l'arsenal des engins spécial propreté afin de permettre aux équipes de se munir des moyens indispensables au travail. Un peu plus loin, une autre équipe se penche sur le ramassage des déchets tant domestiques que solides. M. Khaled Matri représente la municipalité de Tunis. Il chapeaute une équipe d'ouvriers relevant de la municipalité de Ben Arous. «Nous sommes chargés de nettoyer la route principale, reliant Tunis à Béja. Cependant, il ne s'agit point d'une première: il y a à peine vingt jours de cela, nous avons remis à neuf cette route. Et voilà que la situation reprend de plus belle...», indique M. Matri. Il ajoute: «Tout à l'heure, alors que nous peinions à rassembler ce tas démesuré de gravats, une dame a ouvert la fenêtre de son appartement et nous a, tout simplement, jeté un sachet d'ordures, cela résume je suppose ce que nous endurons et nous continuerons à endurer». Il faut dire que l'invasion chaotique des déchets ménagers et autres ne date pas d'hier. Certaines zones du Grand-Tunis connaissent, depuis toujours, un grand laisser-aller hygiénique. Toutefois, ce phénomène a pris, depuis la révolution, plus d'ampleur, favorisé sans doute par le déficit sécuritaire et la vague de violence gratuite. M. Matri compatit avec les agents de police chargés de contrôler et de pénaliser les malfaiteurs qui nuisent à l'environnement. «Ces agents de police n'arrivent plus à réussir leur mission, notamment dans un climat général fondé sur la violence», souligne-t-il. Certes, ce phénomène va crescendo. Toutefois — et fort heureusement —, il ne touche pas tous les gouvernorats. M. Hadi Slama, agent de propreté exerçant à Ben Arous, se félicite de la propreté de sa ville. «Franchement, à Ben Arous, indique notre interlocuteur, la situation n'atteint jamais ce stade alarmant. D'ailleurs, pour nos campagnes de propreté, nous ne nous trouvons jamais dans l'obligation de solliciter l'appui d'autres parties. D'autant plus qu'à Ben Arous, les conteneurs d'ordures sont disponibles contrairement à El Harayria où je n'ai repéré aucun conteneur. Mais le problème, à mon avis, demeure incontestablement celui des mentalités». Les rues d'El Harayria sont jonchées de gros sachets noirs contenant des ordures diverses. Les camions sont chargés à craquer de gravats. Mais ce travail sera-t-il déterminant ? La leçon sera-t-elle assimilée par les habitants ? L'affirmatif ne peut être évident. M. M'henni mentionne non sans énervement le retour à la normale polluante et polluée de la zone de Sidi Hassine après à peine quelques jours du démarrage de la campagne de propreté. «Et l'on met le tout sur le dos des ouvriers que l'on juge comme fainéants et laxistes...», renchérit M. M'henni. Sur la route vers le centre-ville, les rues de Zahrouni s'affichent dans toute leur laideur, telle une décharge vomissante. Et dire que les habitants continuent de mener leur train-train quotidien comme si de rien n'était et comme si le fait de vivre entourés d'ordures était une quasi-fatalité!