Par Senda AYEDI* Le burn out ou syndrome d'épuisement professionnel est en train de devenir une véritable épidémie dans de nombreux pays. Le monde et la nature du travail ont fondamentalement changé, l'univers professionnel est devenu froid, hostile et exigeant sur le plan économique et psychologique. Les personnes sont émotionnellement et physiquement épuisées du fait des exigences quotidiennes liées au travail, à la famille et à tout le reste qui ont fini par éroder leur énergie et leur enthousiasme. La joie de la réussite et la satisfaction d'avoir accompli ses objectifs sont de plus en plus difficiles à atteindre. C'est un syndrome extrêmement fréquent caractérisé par un épuisement émotionnel, une perte d'efficacité professionnelle pouvant conduire à un sentiment d'inutilité, d'autodévalorisation qui se complique assez fréquemment d'une symptomatologie anxieuse et/ou dépressive. De nombreux auteurs s'accordent à incriminer dans sa genèse les conditions d'organisation du travail ainsi que la qualité des rapports entre employeurs et employés. En effet, en travaillant, chaque individu s'attend à une rétribution qui est de deux ordres : Une rétribution réelle sous forme d'argent : c'est le salaire, les honoraires Une rétribution symbolique qui est l'une des plus importantes. Elle passe d'abord et avant tout par la reconnaissance. C'est d'ailleurs la plainte la plus fréquemment exprimée par les patients lorsqu'ils viennent consulter pour des troubles psychiatriques en rapport avec un conflit au travail. C'est le sentiment de ne pas être reconnu qui est à l'origine d'un sentiment d'autodévalorisation entraînant alors le travailleur dans un cercle vicieux dans lequel il s'enferme. Chaque personne exprime son épuisement professionnel à sa façon: «je suis frustré, en colère, j'ai peur, je suis débordé, surmené et épuisé...» Mais toutes ces plaintes expriment les mêmes thèmes de base à savoir : une érosion de l'engagement (le travail devient déplaisant, insignifiant et frustrant), une érosion des émotions (les sentiments positifs du début comme l'enthousiasme, le plaisir sont remplacés par la peur, l'anxiété, la dépression), et un problème d'adéquation entre la personne et le poste qu'elle occupe. Les causes du burn out Certaines sont liées aux conditions de travail : surcharge, sous-charge de travail, tâches répétitives monotones, confrontation à la souffrance des autres, mutations, changements de poste, mauvaises conditions de travail et de sécurité. D'autres sont liées aux personnes : agressions verbales, conflits non extériorisés, mésentente professionnelle, climat d'injustice, mauvais rapports entre employeurs et employés. Certains types d'individus sont particulièrement à risque : les sujets introvertis qui ont tendance à garder leur angoisse pour eux et qui sont isolés, les personnes évitantes devant les obstacles, de même les individus ayant une hygiène de vie psychique et physique médiocre et dont l'esprit de compétitivité engendre un certain isolement par négligence des relations sociales. Comment reconnaître une personne souffrant de burn out En milieu de travail, une personne présentant un état de souffrance présente des signes très divers : des difficultés à prendre des décisions, des difficultés de concentration, une prédisposition plus grande aux fautes professionnelles et aux accidents du travail, une baisse de productivité, des retards de plus en plus fréquents, un absentéisme, une modification du caractère en rupture avec un état antérieur avec apparition d'irritabilité, d'hostilité, de comportement de retrait ou, au contraire de dépendance extrême par rapport aux autres avec installation de signes d'anxiété, de dépression. Des troubles du sommeil et d'appétit sont également très fréquents dans ces cas. Comment traiter le burn out Une fois le burn out est installé, une prise en charge spécialisée est nécessaire. Plusieurs thérapies sont proposées : une écoute attentive et empathique est nécessaire permettant à la personne d'exprimer son mal-être et sa souffrance avec une période de repos entraînant une suppression temporaire ou une mise à distance des facteurs anxiogènes liés au travail. Dans certaines situations, un traitement médicamenteux est indispensable pour faire baisser une tension interne ou pour traiter une dépression avérée. Dans ce cas, anxiolytiques et antidépresseurs seront prescrits par le psychiatre ou le médecin généraliste sur une période bien limitée dans le temps. Comment peut-on prévenir le burn out Plusieurs attitudes de prévention du burn out ont été décrites tant sur le plan personnel que professionnel et social. A l'échelle de l'individu, tout passe par une bonne gestion du stress : identifier les sources de stress et apprendre des habiletés qui permettront de mieux y faire face, identifier ses difficultés émotionnelles et les traiter, reconnaître ses limites et son besoin d'aide, relâcher et exprimer ses sentiments dans un lieu sans jugement, réévaluer ses priorités, se fixer des buts réalistes, se donner autant de soins qu'on en donne aux autres (se faire plaisir), faire une transition entre le travail et la maison, se faire une vie à soi en dehors du travail, s'impliquer davantage dans des activités sociales valorisantes. Sur le plan professionnel : être présent et avoir une attitude empathique avec ses collègues, communiquer avec eux afin d'exprimer les difficultés rencontrées, reconnaître le bon travail que l'autre a fait, se divertir ensemble... En conclusion De nos jours, les travailleurs doivent faire face à de nombreuses exigences et se soumettre en permanence à des facteurs stressants. Beaucoup d'entre eux finissent par développer un burn out aux conséquences néfastes sur la santé psychique, physique de l'individu et sur la société en terme de coût. Il est donc indispensable d'approfondir les recherches et mettre en place les mesures nécessaires pour prendre en charge à temps les personnes concernées et au mieux de prévenir l'installation du burn out. * (Psychiatre)