La classe politique s'étripe. Ses principaux ténors semblent fatigués de tout sauf des polémiques. Triste constat. Et pourtant, les jeunes regardent. Aux dernières nouvelles, on s'affaire autour de sondages d'intentions de vote. Chacun ausculte le topo général et s'avise d'organiser en conséquence le ban et l'arrière-ban. Ces derniers jours, deux sondages ont été divulgués sans être publiés. Les résultats du premier ont été rapportés par M. Mohsen Marzouk. Il ferait devancer pour la première fois Ennahdha par Nida Tounès dans les intentions de vote des Tunisiens aux prochaines élections. Le second a été diligenté par des proches du Parti républicain. Il mettrait les deux formations au coude à coude, dans un mouchoir, avec une bien ténue avance en faveur d'Ennahdha. Mais cela recèle d'autres significations. Face à l'Union pour la Tunisie, le mouvement Ennahdha serait donc largement dépassé. On sait que cette Union verra le jour incessamment. Elle regroupe Nida Tounès, le Parti républicain, Al Massar, le Parti du travail patriote démocrate et le Parti socialiste de gauche. Les premières divulgations desdits sondages emballent différemment les protagonistes de la scène politique. Les partisans d'Ennahdha et du CPR fulminent contre les manœuvres de Nida Tounès. Ils emboîtent volontiers le pas à Imed Daimi, chef du cabinet présidentiel. Et ne voient en l'alliance tripartite Nida Tounès, Parti républicain et Al Massar qu'une résurgence des ténors de l'ancien régime, Ben Ali en moins. De même, des constituants de la Troïka se sont empressés de faire sortir des fonds de tiroirs une pétition problématique. Elle appelle à l'accélération de la procédure d'examen du projet de loi dite d'immunisation de la révolution. Ce projet de loi est parrainé par le CPR, Wafa, Ennahdha et des indépendants. Cette dernière action semble être liée directement à la conclusion solennelle et en grande pompe, mardi dernier, de l'alliance tripartite. De nouveau, l'ambiance s'électrifie. Même si, côté establishment, les positions sont nuancées. Samir Dilou, dirigeant d'Ennahdha, a ainsi salué l'émergence de la Troïka de l'opposition, estimant qu'elle est à même de consolider les enjeux de la phase transitoire. De même, Rached Ghannouchi, président d'Ennahdha a repris également langue avec M. Néjib Chebbi, pour assurer que son parti est ouvert au dialogue avec Nida Tounès. Cependant, au sein de la Troïka gouvernante et de ses sociétaires, certains ne l'entendent pas de cette oreille. Ils jouent la surenchère et campent la confrontation plutôt que la réconciliation avec Nida et ses alliés. Ils n'ont de cesse de caresser les réflexes conditionnés du refus viscéral de ceux qu'ils assimilent à des transfuges de l'ancien RCD. Et ils savent qu'auprès de certaines bases, parmi les franges populaires surtout, l'argument fait mouche. Et ne s'en privent pas. Le jeu est, en fin de compte, à multiples facettes. Il frise la perversion des rôles dans une sournoise dialectique de l'être et du paraître, de la semi-vérité et de la simulation. Côté opposition, les sondages présumés posent des questions fondamentales. Comment surfer dessus dans une dynamique qui se veut vertueuse et se préparer aux échéances électorales futures. Déjà, on pense aux scrutateurs dans les bureaux de vote. Nida Tounès s'apprête déjà à former pas moins de trente mille observateurs appelés à officier dans les huit mille bureaux de vote escomptés. Et il ne s'agit point d'une tâche aisée ni évidente. D'autres pensent déjà à la Com. Qui, quoi où quand et pourquoi ? On en est encore aux interrogations de base à ce propos. Bref, on s'affaire des deux côtés. Sachant qu'il y aura deux pôles, c'est presque certain. Même si le sérieux, la véracité et les donnes recoupées des sondages en question demeurent énigmatiques pour les observateurs avertis.