Dernière institution à frôler les dissensions sur fond de sectarismes partisans, l'institution militaire. Aux dernières nouvelles, le ministre de la Défense a décidé de se démettre. Les pressions politiques seraient immenses. Il se retrouve dans les entrelacs des feux croisés de différents protagonistes, hauts commis de l'Etat. Le rempart de la République et des valeurs de la République serait-il menacé ? Les révélations de M. Amor Shabou, fondateur du journal Le Maghreb portent à le croire. D'autant plus qu'il les a faites à l'issue d'une longue entrevue avec le ministre de la Défense. Les prochaines heures promettent de sérieux éclairages à ce propos. Cela est symptomatique d'un état de crise politique durable. Et qui finit par emporter tout dans son tumultueux sillage. En fait, on s'achemine vers une reconduction de la crise des partis qui paralysent les institutions. Ils se chamaillent sur les portefeuilles ministériels. Autant dire une lutte au couteau autour du butin. Ali Laârayedh dispose désormais d'une poignée de jours pour former son gouvernement. Autrement, retour à la case départ. La case impuissance d'une classe politique amorphe à accomplir la transition. On vit désormais entre deux mondes, l'un presque mort et l'autre impuissant à naître. L'amalgame des contretemps engendre une espèce de monstre hybride. Le gouvernement est en panne, l'Etat est en crise, l'administration est paralysée. Et des dirigeants autoproclamés n'en finissent guère de dépecer les institutions à l'aune de leurs petits projets, de leur vision étriquée, de leurs intérêts sordides. De leur petitesse. Le mouvement Wafa a quitté hier la table des négociations bruyamment. Il est en colère. Motif : il est contre la neutralisation des ministères de souveraineté, plus particulièrement le ministère de la Justice. Son dirigeant, Abderraouf Ayadi, s'y verrait volontiers chancelier. Et il ne le cache pas. Nous sommes en présence d'une crise grave. Quelle que soit l'issue des pourparlers, force est de tirer la sonnette d'alarme. On ne peut pas continuer ainsi. Avec des coteries partisanes qui s'avisent de dépecer les institutions. La loi portant organisation provisoire des pouvoirs publics a tout prévu, sauf l'essentiel. Et l'essentiel c'est cette crise gouvernementale qui perdure depuis neuf mois. Certes, on continue de vivre. Mais comme quelqu'un qui en est réduit à ses fonctions végétatives, au strict minimum vital. Entre-temps, les incuries et les tares s'amoncellent. Les prix grimpent, l'insécurité sévit, le pays est à la croisée des chemins. M. Touhami Abdouli, secrétaire d'Etat au gouvernement sortant, a parlé avant-hier d'«inaptocratie». Et l'aveu est bien la reine des preuves. En fait, on devrait parler simplement de médiocratie. Tout le monde en convient. Mais chacun verrait volontiers la paille dans l'œil du voisin et ne voit guère la poutre dans le sien. Maintenant que les dés sont jetés, il nous faut assumer. On a perdu trop de temps à guerroyer autour des dignités ministérielles. A défaut de gouvernement, la loi du budget n'est guère mise en branle convenablement. Les échéances politiques elles-mêmes s'étirent à n'en plus finir. On risque de sombrer dans un provisoire éternel. Une espèce de transition qui n'en finit point. Au fil des jours, des pans entiers de l'économie, de la vie sociale, des institutions sont touchés. Les trois présidences sont interpellées. Vivement qu'ils mettent fin à leurs chamailleries de boutiquiers. Et qu'ils considèrent l'intérêt supérieur du pays. Et rien d'autre. Et c'est tout dire.