Par Néjib OUERGHI La semaine qui tire à sa fin a permis, finalement, au pays de sortir du vide politique qui l'a secoué de longs mois durant. L'investiture du gouvernement Laârayedh, mardi, par l'Assemblée nationale constituante a mis un terme à un lourd attentisme, de grands doutes et de dures et complexes tractations. Elle marque, néanmoins, un signal positif qui doit être vite confirmé par des actes concrets et des changements palpables qui devraient être ressentis par la classe politique, les opérateurs économiques et le citoyen ordinaire. Même si le nouveau locataire de La Kasbah à la présidence du gouvernement a peu de temps pour changer, de fond en comble, la difficile situation que connaît le pays, il a, en revanche, l'obligation de donner des signaux qui sécurisent, restaurent la confiance et redonnent visibilité et espoir. Cela requiert du nouveau cabinet gouvernemental, pragmatisme et propension à s'atteler aux tâches prioritaires de l'assurance de la sécurité et de la restauration de la confiance. Il s'agit, au demeurant, de conditions essentielles pour remettre l'appareil productif en selle et offrir à la classe politique les moyens de reprendre, dans un esprit de concorde, la construction du processus de la transition du pays vers la démocratie. En termes plus concrets, cela exige d'éviter de se heurter à l'écueil des promesses vagues et des déclarations électoralistes, qui ne peuvent susciter que déceptions et colère, et de savoir trouver des solutions urgentes à des questions lancinantes. La sécurité et l'ordre public constituent, incontestablement, une piste d'action prioritaire dont la portée conditionnera le traitement des autres dossiers économique et social. Cela suppose une volonté et une détermination sans faille d'extirper la violence politique à la racine et d'annihiler le risque terroriste qui guette le pays. Cela ne nécessite pas de disposer d'une baguette magique, mais juste de veiller à l'application de la loi sans parcimonie. Faire prévaloir la force de la loi contre la loi de la force devrait se traduire par des actes concrets et une action énergique qui dissiperait le doute, la peur et la suspicion qui prévalent actuellement. Un phénomène inquiétant qui se nourrit de l'impunité qui marque l'activité de certains groupes qui prônent la violence aveugle et menacent l'ordre social, de l'émergence de la violence politique et du laxisme qui a longtemps entouré la conduite de certains dossiers litigieux. C'est de la capacité du nouveau gouvernement à résoudre cette difficile équation qu'il sera possible de définir une feuille de route claire et définitive qui doit mener le pays, avant la fin de l'année en cours, à l'organisation des prochaines élections, à l'élaboration de la nouvelle constitution et à la mise en place des institutions constitutionnelles. Au cours de cette période, le gouvernement aura la lourde tâche, non d'engager des réformes, mais de gérer de façon optimale ces dossiers chauds et de prouver que son action transcende la logique partisane, en présentant une alternative aux Tunisiens, tous les Tunisiens. Il va sans dire que la lutte contre la cherté de la vie et l'inflation, la promotion de l'investissement, l'impulsion de l'effort de création de nouveaux emplois et la relance de l'intérêt pour le site tunisien deviendraient une résultante directe du rétablissement de la confiance, du renforcement du consensus sur les grandes orientations nationales et de la convergence de tous les efforts pour servir la Tunisie et ses intérêts. Satisfaire ces exigences permet au pays de retrouver la bonne trajectoire et aux Tunisiens les bons repères. Il semble que les conditions sont, aujourd'hui, réunies pour enclencher un processus vertueux qui éviterait au pays un dérapage dont les conséquences seraient désastreuses et un désenchantement qui produirait encore plus de colère et de tensions sociales. La semaine qui se termine a dégagé un parfum de scission qui a plané sur certains partis politiques, y compris ceux de la Troïka au pouvoir. Les graves dissensions qui ont éclaté, notamment après les douloureuses contractions qui ont enfanté le gouvernement Laârayedh, ont laissé apparaître des fissures béantes. Les rivalités entre les membres du bureau exécutif de certaines formations portent en elles les germes de l'éclatement de partis politiques qui trouvent toutes les peines du monde à surmonter leurs querelles fratricides. Aujourd'hui, le Congrès pour la République (CPR) paraît plus que jamais divisé et menacé. En claquant la porte de son parti, Mohamed Abbou, secrétaire général du CPR, a mis à nu l'extrême fragilité de certains partis politiques minés par des luttes intestines, des calculs politiques et une course effrénée aux postes de responsabilité. «Il est vraiment rare qu'on se quitte bien, car si on était bien, on ne se quitterait pas», disait Proust. Dans la plupart des partis politiques en Tunisie, la multiplication des défections reflète l'existence d'un malaise et, parfois, d'impossibles convergences constructives sur des choix en cohérence avec le combat politique mené et les idéaux défendus. Les partis Ettakatol et Nida Tounès ne sont pas mieux lotis, loin s'en faut. Ils font face, à leur tour, à de graves dissensions et luttes d'influence qui n'augurent pas des lendemains meilleurs. Si tous les problèmes rencontrés par les Tunisiens ces derniers temps en termes de sécurité, de violence politique et de mise en place des institutions constitutionnelles traduisent le difficile apprentissage de la démocratie, les luttes intestines qui secouent les partis politiques montrent le décalage qui existe entre le combat politique pour soustraire le pays de la dictature et l'action déployée au sein de formations organisées entre des personnes moins disposées à servir qu'à se servir.