La récente sortie des Etats-Unis de l'Accord de Paris sur le climat n'a suscité aucune réaction en Tunisie. Même nos associations écologiques et environnementales ne se sont pas déclarées préoccupées par la décision du locataire de la Maison Blanche qui a méprisé le droit élémentaire de l'humanité à sa survie. Pourtant, les études concordent à considérer la Tunisie comme l'un des pays les plus vulnérables aux effets du changement climatique dans le bassin méditerranéen, voire à l'échelle mondiale. Selon une récente étude sur les effets des changements climatiques sur l'économie tunisienne réalisée par le ministère de l'Agriculture, une augmentation des températures de 2,1° en 2050 entraînerait une diminution des précipitations de 10 à 30% et la perte de 28% des ressources hydriques conventionnelles. Cette projection est d'autant plus grave que le potentiel hydrique du pays est modeste. Les ressources en eau conventionnelles (eaux de surface et eaux souterraines) sont en effet estimées à 4840 millions de m3. Un volume de 2700 millions de m3 revient aux eaux de surface. La faible pluviométrie, l'importance de l'évaporation à côté de la taille réduite des bassins versants expliquent ce potentiel modeste. Les eaux souterraines constituent 2140 millions de m3. Ainsi, le potentiel en eau de la Tunisie ne constitue que 9% de l'ensemble du potentiel des trois pays du Maghreb central (Algérie, Maroc, Tunisie). Le déficit pluviométrique prévisible engendrerait une diminution de 20% de la superficie des terres arables et par conséquent une forte baisse de la production agricole. Submersion marine D'autre part, plusieurs régions côtières comme Hammamet, Tunis, Kerkennah, le Golfe de Gabès et Djerba seraient concernés par le phénomène de la submersion marine qui découle de l'élévation du niveau de la mer. Les prévisions montrent la possibilité de l'élévation du niveau de la mer de 30 cm à 1 m, d'ici la fin du 21ème siècle. Une autre étude publiée par la Banque mondiale montre, d'autre part, que le réchauffement climatique devrait provoquer une augmentation de 25% des précipitations extrêmes à l'horizon 2030, causant des inondations de plus d'un mètre de hauteur dans certaines banlieues de Tunis. Ainsi, Ezzahra et Hammam-Lif ouest sont vulnérables à la submersion marine en cas de précipitations extrêmes et de tempêtes. Tunis pourrait faire face à des précipitations extrêmes, avec une période de retour de ce phénomène climatique extrême de 50 ans, alors qu'il ne se produisait précédemment qu'une fois tous les 100 ans. De même, la période de récurrence de pluies torrentielles qui était de 50 ans, serait réduite à 20 ans dans l'avenir proche. L'étude intitulée «La vulnérabilité des villes côtières d'Afrique du Nord» révèle aussi que les changements climatiques devraient générer des pertes économiques estimée à 1,05 milliard de dollars d'ici 2030, soit 8% de la production économique actuelle de la capitale. Montée du désert Sur un autre plan, une bonne partie du territoire tunisien risque de devenir un désert si l'humanité ne réussit pas à maintenir le réchauffement climatique en dessous des 1,5°C comme le stipule l'accord de Paris sur le climat, selon une étude publiée récemment par le magasine américain Science. Ce phénomène de montée du désert vers le nord concernerait aussi le Maroc et l'Algérie. Pour tenter de réduire les effets dévastateurs du réchauffement climatique, la Tunisie a déjà élaboré une stratégie d'atténuation et d'adaptation. En matière de limitation des émissions de gaz à effet de serre, l'objectif est la réduction de l'intensité carbone de 41% d'ici 2030, par rapport à 2010, dont 28% conditionnés par l'obtention de l'aide internationale. Le coût total de cet effort est estimé à 17,4 milliards de dollars, dont 10% à financer par le gouvernement tunisien. Le deuxième axe de la stratégie tourne autour de la promotion du développement durable à travers notamment le soutien de l'économie verte, l'optimisation des ressources naturelles, le développement du transport en commun et l'augmentation de la part des énergies renouvelables dans le mix énergétique de 3 à 12% en 2020. La stratégie prévoit, par ailleurs, le développement de mécanismes et outils permettant l'évaluation, le contrôle et le suivi des indicateurs du réchauffement climatique tels que les cartographies et les centres d'observation et d'alerte précoce.