Il n'y a aucun doute que l'enfance en Tunisie est bien protégée par les différentes lois promulguées en sa faveur et par les traités internationaux, notamment " la Déclaration Universelle des Droits de l'Enfant " adoptée sans réserve par la Tunisie. Les enfants tunisiens jouissent ainsi de leurs droits concernant l'éducation, la santé, la protection contre toute sorte de dépravations ou d'exploitations pouvant nuire à leur personne (abandon scolaire, débauches diverses, manipulations, maltraitances...). Cependant, il existe encore chez nous des enfants, n'ayant pas encore atteint l'âge majeur, qui exercent différents travaux dans des ateliers ou dans des petites fabriques artisanales (menuiserie, construction métallique, mécanique auto, tôlerie...) ou dans des maisons en tant que bonnes à tout faire. On peut également les trouver dans la rue ou dans les marchés vendant aux passants des mouchoirs en papier, des bonbons, des chewing-gums, des sacs en plastique, ou parfois dans les parkings privés ou les stations de service proposant aux propriétaires de voitures d'essuyer leurs pare-brises. Ce sont là des spectacles quotidiens qu'on voit surtout dans nos grandes villes et qui se manifestent d'une manière plus exacerbée pendant les vacances scolaires, alors que la scolarisation et l'alphabétisation sont généralisées à un taux de 98% et que la défaillance scolaire avant l'âge de 16 ans est à la baisse. Beaucoup d'associations pour la protection des enfants se sont formées et oeuvrent pour la garantie d'une vie familiale, sociale, scolaire et éducative saine et équilibrée de l'enfant. Et pourtant, on continue à faire travailler des enfants !
Le travail des enfants en bas âge est un phénomène qui reste universel. Il n'existe pas seulement dans les pays pauvres mais aussi dans les pays dits développés. En Allemagne, à titre d'exemple, il y a près de 300 mille enfants qui travaillent. De même, un enfant sur deux travaille en Asie, un enfant sur trois en Afrique et un enfant sur 5 en Amérique du Sud. On compte environ, 246 millions d'enfants dans le monde qui travaillent comme des adultes : 10 heures par jour ou plus, en exécutant des travaux pénibles destinés généralement aux adultes. Cette situation alarmante dans le monde est sans doute liée en premier lieu aux politiques gouvernementales en matière de gérance des affaires de l'enfance dans leurs pays respectifs, mais aussi à la pauvreté, exacerbée par la dernière crise économique mondiale, qui a poussé certains parents à entraîner leurs enfants, souvent à leur corps défendant, dans le monde du travail, histoire d'aider à subvenir aux besoins familiaux devenus difficiles à satisfaire. En Tunisie, des statistiques réalisées par l'UNICEF en 2005, font apparaître que seulement 3 % de la population est en dessous du seuil international de pauvreté (1,25 $ par jour) ; quoique ces chiffres soient relativement anciens, la pauvreté ne constitue pas un facteur majeur du travail des enfants en Tunisie, mais dans certains cas, on peut dire qu'elle contribue à favoriser ce phénomène social. Cependant, des chiffres plus anciens fournis par l'UNICEF estiment que 2,1 pour cent des enfants âgés de 5 à 15 ans travaillaient en Tunisie en 2000... En l'absence de statistiques officielles récentes et probantes sur le nombre d'enfants travailleurs avant d'atteindre la majorité ou l'âge requis par la loi, il est difficile d'avoir une idée bien claire sur la réalité des choses. Mais à voir encore des patrons recruter des enfants pour travailler, en permanence ou en tant que saisonniers, dans leurs ateliers souvent dans des conditions lamentables et sans aucune couverture sociale, cela prouve que le problème se pose avec acuité. Les lois existent certes, mais il faut simplement les appliquer en insistant surtout sur les mesures dissuasives non seulement à l'encontre des personnes qui engagent des enfants dans leurs industries ou commerces, mais également des parents qui acceptent de faire travailler leurs enfants.
Contraintes ... Que font ces enfants travailleurs en général ? Les garçons travaillent comme apprentis dans des ateliers ou des garages ; les filles comme bonnes à tout faire chez des familles aisées de la capitale ou des grandes villes. Souvent, ces enfants, une fois interrogés, préfèrent se déguiser en apprentis et refusent de s'exprimer sur les véritables causes qui les ont poussés à travailler. Les rarissimes enfants que nous avons abordés évoquent néanmoins leur échec scolaire ou l'abandon volontaire des études pour des raisons familiales ou tout à fait personnelles (incapacité intellectuelle, aversion pour l'école, vocation professionnelle, besoin d'autonomie précoce, aide des parents...). Cela n'empêche que certains parents, surtout dans les milieux ruraux, trouvent dans l'emploi de leurs filles une source de revenus non négligeables, comme ce chef de famille habitant dans le nord-est du pays qui a quatre filles engagées chez des familles de la capitale en tant que bonnes à tout faire, toutes perçoivent un salaire qu'elles envoient à leur père chaque mois. Quels que soient les mobiles de ce père (chômage, pauvreté, oisiveté, ignorance, esprit de commerce...), le fait d'envoyer sa progéniture travailler à des centaines de kilomètres (allez voir dans quelles conditions !) pour amener un salaire à la maison est un acte intolérable, d'autant plus que ces parents n'assument pas leur responsabilité familiale et font de l'emploi de leurs enfants un commerce florissant. Pourtant, le gouvernement ne cesse de mener des actions humanitaires et caritatives en faveur de ces familles nécessiteuses et aux enfants sans soutien familial dans le cadre des associations et des différents programmes de solidarité qui octroient des subventions aux familles pauvres. En outre, le code du travail est très clair sur le sujet d'admission d'enfants au travail ; il prévoit toutes les conditions susceptibles de protéger l'enfance de toute exploitation de la part des employeurs et fixe les modalités et les cas exceptionnels où un enfant pourrait être appelé à exécuter un travail bien déterminé (artistique, culturel, associatif...) tout en assurant ces droits d'enfant et sans que cela ne nuise à son intégrité physique ou moral ou à la bonne marche de ses études scolaires. Ce code a été renforcé par la création en 2007 (Décret n° 2007-2875 du 12 novembre 2007) du Centre de protection sociale des enfants de Tunis qui a pour mission d'accueillir les enfants en situation difficile ou en danger et d'établir des programmes individualisés afin de garantir la réintégration familiale, éducative et professionnelle de ces enfants. Les solutions ne manquent donc pas pour atténuer ce phénomène du travail des mineurs qui, quoique d'une ampleur restreinte, a tendance à s'amplifier dans nos contrées. Il faut faire de sorte que le travail des enfants ne soit en aucune manière, une fatalité, ou simplement un recours " commode " ou systématique. En un mot, un prétexte... Hechmi KHALLADI
Le travail des enfants et la loi tunisienne Voici quelques articles du code du travail tunisien concernant le travail des enfants (chapitre " Admission au travail ") Loi n° 96-62 du 15/07/96
Article 54 : L'emploi des enfants âgés de moins de 16 ans est autorisé dans les établissements où sont seul occupés les membres de la famille sous l'autorité du père, de la mère ou du tuteur à condition que l'emploi de ces enfants n'ait aucun effet négatif sur leur santé, leur développement physique et mental et leur scolarité. Les dispositions du paragraphe précédent ne s'appliquent pas aux travaux visés à l'article 58 du présent code et qui, par leur nature ou les conditions dans lesquelles ils sont exercés, sont dangereux pour la vie, la santé et la moralité des personnes qui y sont affectées. Article 55 : L'âge d'admission des enfants au travail est abaissé à 13 ans dans les travaux agricoles légers non nuisibles à la santé et au développement normal des enfants et ne portant pas préjudice à leur assiduité et aptitude scolaire ni à leur participation aux programmes d'orientation ou de formation professionnelle agréés par les autorités publiques compétentes. Article 56 : [...] Aucun enfant âgé de moins de 16 ans ne peut-être occupé à des travaux légers pendant plus de deux heures par jour, aussi bien les jours de classe que les jours de vacances ni consacrer à l'école et aux travaux légers plus de sept heures par jour au total. L'emploi des enfants à des travaux légers pendant les jours de repos hebdomadaire et les fêtes est interdit [...] Article 57 : Dans l'intérêt de l'art, de la science ou de l'enseignement et nonobstant les dispositions des articles 53 à 56 du présent code, le chef de l'inspection du travail peut accorder des autorisations individuelles d'emploi afin de permettre aux enfants de paraître dans les spectacles publics, ou de participer, comme acteurs ou figurants, à des prises de vue cinématographiques [...] Article 58 : Ne peut-être inférieur à dix huit ans l'âge minimum d'admission dans n'importe quel type de travail susceptible, de par sa nature ou les circonstances dans lesquelles il est exécuté, d'exposer la santé, la sécurité ou la moralité des enfants au danger [...] Article 59 : Chaque employeur doit tenir un registre indiquant les noms et dates de naissance de toutes les personnes de moins de 18 ans occupées par lui, les périodes de leurs travaux, le nombre de leurs heures de travail, les périodes de leur repos et leur certificat d'aptitude au travail qui ne doit par comprendre des indications médicales. Ce registre est présenté aux agents de l'inspection du travail et de l'inspection médicale du travail et aux représentants du personnel, sur leur demande. Article 60 : L'inspection médicale du travail peut, sur sa propre initiative ou à la demande de l'inspection du travail, procéder à l'examen médical des enfants de moins de 18 ans admis au travail à l'effet de constater si le travail dont ils sont chargés excède leurs capacités. Si c'est le cas, il sera ordonné que l'enfant cesse ce travail.