Bourguiba Ben Rejeb - Encore une fois, la question des ressources humaines réapparaît dans les objectifs retenus par le gouvernement pour son action prioritaire en 2011. Que ce soit dans le domaine public ou dans le privé, le développement de l'économie a besoin d'agir sur ce levier pour plus d'efficacité et plus d'adaptation au rythme de réforme. L'urgence se fait d'autant plus sentir que les derniers événements ont au moins montré que le pays avait de la marge pour créer de l'emploi, pour autant que le monde de l'entreprise, et du travail dans l'entreprise soit réorganisé. Revoir les dispositifs Il a en effet été dit que les entreprises vont devoir embaucher des diplômés dans le but de résorber la demande non satisfaite. La perspective peut sembler contraignante et demander beaucoup de volontarisme du côté des chefs d'entreprise. Cependant, dans la durée et dans la pérennité souhaitée des emplois créés, il peut s'agir d'une opportunité qu'il y a lieu de saisir pour développer l'entreprise en s'appuyant sur un personnel de plus en plus qualifié. Dans les pays performants d'Asie, le diplôme est un élément d'intégration d'abord et avant tout en faveur de l'entreprise. Le tout relève surtout de la capacité à gérer les ressources humaines en regard d'objectifs clairement assumés. En Tunisie et dans les faits, le poste de Directeur des Ressources Humaines (DRH) fait partie des organigrammes tant de l'administration que de multiples entreprises plus ou moins importantes. Dans la plupart des cas, ce titre se substitue simplement à celui de Directeur du Personnel, en gros au suivi des carrières et des primes de rendement quand celles-ci existent. Ces traditions ont, comme partout, la vie dure. L'exemple le plus caricatural est celui où on retrouve des imprimés datant de décennies, encore en cours dans des administrations papivores. Passe encore que le papier en question correspond à une pratique quotidienne non démodée. Mais le plus surprenant est que des plans nationaux successifs et des lois en grand nombre continuent à être traduits par des formulaires restés à l'identique. A l'ère où l'informatique peut permettre de remplacer de nombreux actes lourds à gérer par le document papier, le caractère anecdotique de ces pratiques ne peut laisser indifférent, d'autant plus qu'elles laissent supposer que la manière de gérer le quotidien peut rester la même quand les choses ont radicalement changé. Tout se passe comme si les processus n'avaient pas accompagné l'évolution des objectifs. En particulier, le travail quotidien porté par les exigences de la qualité n'est pas toujours devenu une pratique quotidienne. De là vient le malentendu sur la traduction dans les faits de la mission dévolue en principe à la Direction des Ressources Humaines. Dans les faits aussi, les nombreux diplômés issus de l'université tunisienne, et qui sont supposés se prévaloir de cette spécialité comme filière de formation bien réelle, ne trouvent guère à se caser en vertu de cette qualité. Dans ce domaine en particulier, la logique voudrait pourtant que le poste gagnerait à être pourvu en jeunes spécialisés dans le domaine et formés à cet effet. A moins de considérer que le produit de l'université ne fait pas l'affaire. Dans ce cas, il n'est pas inutile de corriger le tir dans les formules de formation co-construites et préparant à une intégration réussie. Les réformes initiées à l'Université tunisienne permettent en effet de moduler, quand c'est opportun, les contenus de formation en fonction des besoins du marché du travail. Dans ce cas précis, les objectifs nationaux inscrivent la gestion des ressources humaines dans les processus de modernisation et d'amélioration de la productivité. La logique voudrait qu'il y ait coopération étroite entre la demande éventuelle et l'offre potentielle. Dans les faits, les diplômés dans cette spécialité restent des années sans perspective d'embauche. Au fond, la raison en est que presque personne ne pense vraiment en termes d'objectifs à moyen et long termes. Il y a un peu de la taille des entreprises, mais aussi des changements rapides du travail lié de plus en plus aux aléas de la compétition internationale. Le contact avec l'étranger aurait dû, normalement, favoriser la dynamique du travail sur objectifs, donc de stratégies relatives aux ressources humaines. Du chemin reste manifestement à faire. Le diplôme et le reste Dans certains métiers, par exemple celui de la banque, il est de tradition de faire « tourner » les nouveaux venus dans de nombreux services de manière à les familiariser avec les différentes tâches à accomplir. Dans cette logique, les ressources humaines peuvent donner lieu à un minimum de flexibilité pour s'accorder avec les besoins. Evidemment, la taille des banques en termes de nombre de personnel permet de faire coïncider, dans une certaine mesure, le travail avec la performance. Ailleurs aussi, une diplômée de l'université en ressources humaines a pu s'intégrer provisoirement dans le monde du travail en s'occupant des commandes de l'entreprise. Seulement, elle a pu le faire tant que son contrat était du type « insertion », donc en grande partie à la charge de l'Etat. Par la suite, et comme dans la plupart des cas, l'affaire a été jugée non concluante, l'intéressée devant se réinscrire sur les listes des demandeurs, sans capitalisation de la petite expérience acquise. Pour éviter les dérapages coûteux et surtout contre productifs de ceux qui sont dans le même cas que la diplômée en question, et pour beaucoup d'autres, il va falloir faire preuve de lucidité. En clair, beaucoup de diplômés du supérieur, en particulier ceux qui ont fait deux ans ou plus de chômage, ne sont pas que diplômés du supérieur, puisqu'ils ont bénéficié de « séjours » en entreprise dont plus personne ne tient compte. Retrouver sur le marché de l'emploi des diplômés qu'on croyait susceptibles d'être casés n'est pas vraiment une affaire.