*Cours d'école, lycées, facs : la parole est libérée … *Leur fierté ? La Tunisie est un exemple pour le monde entier. Après toutes les péripéties vécues par la Tunisie ces dernières semaines, une question s'est posée et s'est même imposée : que pensent les jeunes de « leur » révolution ? Nous avons donc sondé cette jeunesse qui a contribué aux grands bouleversements, en essayant de donner la parole aux diverses catégories qui la composent. Nous avons également lu ce qu'ils écrivent sur Facebook, dont le rôle a été déterminant et nous avons obtenu des résultats assez diversifiés, parfois étonnants, souvent inattendus… Le mot-clé chez la majorité de nos jeunes semble être le terme de « rupture » avec le passé. L'autre mot qui est revenu dans toutes nos discussions, c'est « liberté », de parole, d'action, de manifestation, de refus d'une certaine forme d'autorité « celle qui n'accepte pas la contradiction ou la mise en cause », comme nous l'a affirmé un lycéen orateur, immédiatement applaudi par ses camarades… Des lendemains meilleurs En effet, les cours d'école, les lycées et les facs sont devenus un forum politique géant où tout le monde a quelque chose à dire. Une future bachelière est toute fière d'annoncer : « non seulement la parole est libérée, mais on peut la mettre à exécution tout de suite. Nous ne sommes pas à égalité avec nos profs ou le directeur, et nous ne le voulons pas, mais nous pouvons appuyer nos revendications avec des actes de contestation, sans craindre de lourdes sanctions. » Là encore, applaudissements de ses camarades et elle qui les salue avec beaucoup de fierté. Une situation qui ne plaît pas à tout le monde, surtout pas à un enseignant en lettres arabes qui raconte : « récemment, un groupe d'élèves s'est levé en entendant l'appel à la prière et a émis le désir de quitter la salle de classe en plein cours, pour aller prier dans un espace contigu. Et lorsque j'ai tenté de leur expliquer que cela ne pouvait pas se passer ainsi, et que les études ou le travail étaient prioritaires, ils se sont fâchés et ont quand même quitté la classe. Et quand je me suis plains au directeur, il n'a rien pu faire… Où on va comme ça ? » Mais à part ce type de mésentente, profs, élèves ou étudiants se sentent mieux dans leur peau, plus optimistes, moins stressés. Un sentiment qu'un étudiant en droit résume en ces termes : « le peuple tunisien savait tout des agissements du clan des Trabelsi et compagnie, mais il avait l'énorme poids de la machine policière sur le cœur et il étouffait sans pouvoir rien dire. C'est peut être pour cela qu'il est si bavard aujourd'hui. » Et un de ses camarades ajoute : « le seul endroit où on pouvait ouvrir la bouche, c'était chez le dentiste ! » Des éclats de rires joyeux saluent son gag… Autre lieu, autres jeunes : nous avons retrouvé à Tunis quelques jeunes qui ont accompagné ceux de l'intérieur du pays lors du sit-in de la Kasbah. Pour eux, la révolution est synonyme de fierté : « la fierté d'avoir fait dégager le dictateur, les ennemis du peuple tunisien et leurs résidus, d'avoir résisté à toutes les agressions, la fierté d'être devenus des hommes… » Nous n'avons plus peur Leur confiance en l'avenir est totale et demain est synonyme d'espoir, de renouveau et de liberté dans tous les domaines. L'un d'eux, étudiant en droit, résume le sentiment dominant : « nous savons que le pays va traverser une période de perturbations et peut être même de troubles. Nous sommes convaincus qu'il faudra du temps pour que les objectifs de notre révolution se réalisent, mais nous sommes sûrs que désormais, plus personne ne pourra nous imposer sa dictature. En un mot, nous n'avons plus peur… » Ailleurs, dans les cafés, par petits groupes, des jeunes de toutes conditions, qui jadis se chamaillaient pour des équipes de foot, découvrent avec un plaisir évident et un ton vif, le monde de la politique. Le verbe haut, ils recherchent les informations croustillantes et les mots drôles, pour détendre l'atmosphère. Certains optent pour le régime parlementaire, d'autres pour le présidentiel, puis ils évoquent les milliards volés par « Ben Ali et les quarante voleurs », selon l'expression en vogue sur Facebook. Le plus virulent des orateurs clame : « l'expérience de ces politiciens retraités qui ont repris du service est importante, mais ils doivent dégager dès que le pays sera stabilisé pour laisser la place aux jeunes. Ils ne doivent pas détruire nos rêves et nos ambitions en s'incrustant au pouvoir ou en plaçant des hommes qui ne soient pas honnêtes… » Et puis il y a ces jeunes qui passent leurs soirées sur Facebook, à discuter, à partager des vidéos, à échanger les infos les plus pertinentes ou les plus amusantes, comme ce fameux remix de « Zenga Zenga, Dar, Dar ». Une jeune étudiante très branchée tente une analyse : « bon nombre d'entre eux ont l'impression d'avoir contribué à la révolution derrière leurs claviers… En fait, ils ont simplement fait le travail des médias qui étaient muselés à l'époque. » Un spécialiste des médias évoque cette question, qui a fait couler beaucoup d'encre : « internet est devenu un instrument essentiel mis entre les mains du peuple, un espace où il peut s'exprimer sans contrôle. Jamais plus un régime autoritaire ne pourra imposer un seul angle de vue. C'est un contre pouvoir très puissant et qui est appelé à se développer… Mais ce n'est qu'une partie des contre-pouvoirs, il faut aussi recourir aux manifestations et aux actions de lutte contre les pouvoirs abusifs… » Cependant, le sentiment général chez nos jeunes reste cette grande fierté, qu'un étudiant résume en ces termes : « vous vous rendez compte : on parle de la Tunisie dans le monde entier, nous sommes un exemple pour tous les peuples opprimés… Même Barak Obama a salué le courage du peuple tunisien, lui qui ne savait même pas où se situait ce petit pays, il y a quelques mois ! » Une jeune fille qui accompagne cet étudiant conclut : « le peuple tunisien va enfin reprendre son destin en mains et envoyer un message d'espoir aux jeunes du monde entier qui subissent la dictature dans le monde arabe et dans de nombreux pays d'Afrique et d'Asie… L'avenir est à nous ! »