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«Je brûle, dussé-je y laisser la vie»!
Harraga
Publié dans Le Temps le 10 - 03 - 2011

L'océan ne leur fait pas peur. Ils sont ce qu'on appelle « wled bhar » (des enfants de la mer). C'est leur seconde nature ; non que dis-je, première nature serait plus juste. Et quand même ils peuvent être pleutres, voûter devant le projet de leur vie, ce serait pour eux comme trépasser. Risquer sa vie pour les beaux yeux de l'Europe ? Et alors ! Pour ces jeunes à la fleur de l'âge, il ne s'agit guère d'une gageure. Kool Shen ne l'a-t-il pas bien « rapé », d'ailleurs : « sans une once de revanche je rêve de l'eldorado ».
Et même si cela prend l'allure d'une rengaine, peu importe, l'essentiel n'est-il pas de mener sa pataras et de jeter son ancre là où la vie est moins amère ?
Et puis n'essayez pas de dire que vous pouvez comprendre leur misère et que cela ne justifie aucunement leur contenance. Car qui n'a pas connu la dèche, s'affranchit de l'incapacité de compatir. Ce n'est point pontifier pour avaliser leur théorie ; c'est dire que pour eux la fin justifie les moyens. Voyons plutôt sur leurs motivations réelles : arracher ces jeunes de leur ambition létale. Pourquoi s'échiner à leur faire la morale, à les stigmatiser, les pointer du doigt comme l'on ferait avec un scélérat ? Ce qui serait, en revanche, délictueux c'est de demeurer frileux face à ce phénomène d'émigration clandestine. Parce que condamner ces actes tombe à chaque fois dans l'oreille d'un sourd, les « Harragas », eux, ont décidé d'être réfractaires à leur destin pathétique. Et tant pis si cela fera bougonner les autorités, le feulement des « Harragas » les fera peut-être taire.
C'est une belle matinée, soleil en plein ciel dégagé, une mer paisible. Nous sommes à Zarsis, une ville littorale dans le sud de la Tunisie. Ici, les habitants travaillent surtout dans le tourisme et la pêche. A moindre degré, il y a aussi l'industrie, l'agroalimentaire surtout et l'agriculture reposant sur la production de l'huile d'olive.
Avec ses ports commerciaux Zarzis, El Bibane et Hessi Jerbi, le trafic commercial est de l'ordre de deux millions de tonnes par an.
Bien que le paysage économique de Zarsis soit relativement diversifié, n'empêche que le chômage des jeunes frappe de plein fouet. Et puis le fonctionnement de la dynamique économique dans la région est brouillé par les gestions douteuses de l'époque Ben Ali.
Ne reste plus aux jeunes de Zarsis, convoitant l'élan social rapide et quel qu'en soit les visages, de dire « tapis ». Oui, faire tapis comme au poker, miser le tout pour le tout ou…pour rien.
Proche de l'île de Lampedusa, le rivage de Zarsis est la rampe de lancement des « Harragas ». Certains ont réussi à joindre l'autre rive, sain et sauf, d'autres n'ont pas eu cette chance et ont laissé derrière eux des familles en deuil et en colère.

«Il ne reviendra pas»

Nous frappons à la porte de l'une de ces familles. C'est la famille d'Abdallah, un jeune d'une quinzaine d'année parti dans un bateau à destination de Lampedusa, le soir du 14 janvier. Depuis, il est porté disparu. Aucune nouvelle, aucun signe de vie. Parti avec son oncle (le frère de sa mère), Abdallah tenait absolument à « brûler », sa vie ne lui convenait point. Encore au lycée, il pense que son avenir ici est embrumé. Difficile de le considérer autrement.
Les parents de Abdallah nous invitent à entrer dans sa chambre : une petite pièce très peu meublée et pas beaucoup d'objets personnels. La mère, abattue, ravale ses larmes, le chagrin plein le visage : son fils est porté disparu. Avachie par une valse de rumeurs avec tantôt l'espoir de les retrouver, tantôt le désespoir total et une presqu'envie de se faire une raison : il ne reviendra probablement pas.
Farouk, le père est outré, indigné par le comportement des autorités. Il n'arrive pas à comprendre leur acharnement absolu contre leurs concitoyens. Ils sont en infraction, certes, mais est-ce une raison pour les traiter ainsi ? C'est avant tout des êtres humains et ils ont le droit à un traitement respectueux. « Qu'ils les punissent comme la loi le dicte mais qu'ils les traient de la sorte, je ne peux pas le cautionner. » scande Farouk. Puis il nous raconte les conditions lamentables de leur existence, ces conditions qui ont poussé Abdallah à prendre le large et à risquer sa vie. « Je travaillais avant pour une entreprise pétrolière libyenne, il y a deux ans, les propriétaires ont quitté les lieux et depuis je suis au chômage. Je fais des petites bricoles à droite et à gauche, de la plomberie, des réparations et autres car je suis un technicien de maintenance. J'ai alors songé à monter un petit projet, un bureau de tabac journaux qui couterait dans les 2000 dinars.
J'ai fait une demande de prêt auprès d'une association privée de financement pour le montant de 1500 dinars. Ma demande a été rejetée et pour cause je n'ai pas de garantie. » Scandaleux ! Quel genre d'organisme c'est cette association ? Cette structure n'a-t-elle pas été mise au point dans l'unique but d'aider des personnes telles que Farouk dont la situation sociale est précaire et nécessite leur intervention ? Tout cela construisait peu à peu le foyer de la révolte contre l'injustice et la disparité sociale exhortant ainsi Abdallah et ses semblables à se donner à la mort dans l'espoir ultime d'une vie meilleure et de mettre à l'abri les siens.

Bateau brisé en deux

Farouk continue dans un flux tourmenté par sa douleur de nous faire part des circonstances de la disparition de son fils et son beau frère. « Lorsque le bateau qui les transportait fut percuté par celui de la gendarmerie marine, il a été brisé en deux. Les Harragas se sont retrouvés en plein océan, certains ont été blessés, d'autres se sont noyés aussitôt, et puis d'autres ont pu s'échoir au rivage de justesse. »
La revendication de Farouk est on peut plus légitime : pourquoi, en effet, les autorités ont-elles agi de cette manière ? Quelles motivations dévergondées et malsaines derrière pareille ruade ? L'on pourrait, en fait, croire à un véritable attrape-nigauds.
Farouk continue son récit : « je suis allé à Sfax pour avoir des nouvelles. Au port, où j'ai rencontré les gardes de côtes, on m'a dit que la mer est agitée, qu'il y a deux bateaux et que les recherches se font à proximité avec des rayons laser, rien de plus. Je leur ai demandé comment ils peuvent être aussi indifférents et restrictifs, il s'agit de nos enfants, notre chair et notre sang, mais ils avaient l'air de ne pas accorder plus d'intérêt que cela. »
Farouk avec d'autres familles d'une vingtaine de disparus, ont décidé de mener une action en justice afin de mieux comprendre ce qui s'est réellement passé et surtout que justice soit rendue. Les Harragas sont en délit, il n'y a pas l'ombre d'un doute la dessus. Seulement voilà, cela est-il un motif péremptoire justifiant l'abstention garnie de flegme des autorités de réagir dans l'urgence pour sauver nos enfants ?
Nous avons appris, par ailleurs, que le bateau sur lequel les clandestins ont embarqué est neuf, il date de deux ou trois ans, il a une bonne capacité et ne déplorait pas de problèmes techniques quelconques.
« Malgré sans papiers, je mène la belle vie », voilà ce que disent une ribambelle de Harragas. Partis pour une pérégrination dont l'issue demeure brouillardeuse. Car il est connu que ces clandestins se livrent à des activités illicites et illégales pour un gain rapide et onéreux. Partis vers l'inconnu, les Harragas n'ont pour seule boussole, que leurs familles, ces personnes chères à leurs cœurs.
Nous plions la route, ruminant des pensées cafardeuses ; en fait, nous avons peur pour la jeunesse de la Tunisie. Une jeunesse fichtrement désabusée par un fléau appelé chômage.


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