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Comment passer d'une terre de torture à une terre de tolérance ? Point de presse de la FIDH, du CNLT et de la LTDH sur la Tunisie post-Ben Ali face aux démons du passé
Comment évoluent les droits de l'Homme en Tunisie post-Ben Ali après 23 ans d'exaction et de persécution? A-t-on enfin rompu avec la torture et les pratiques de répression après la Révolution du 14 janvier 2011 ? Et qu'on est-il des pratiques policières et judiciaires face aux manifestations et sit-in tenus depuis la chute du régime déchu? Ce sont les quelques interrogations auxquelles, les trois organisations nationales et internationales de droits de l'Homme, respectivement, la FIDH, le CNLT et la LTDH, ont essayé d'apporter des éclaircissements et des éléments de réponses à la suite d'une mission commune intitulée : la Tunisie post Ben Ali face aux démons du passé : transition démocratique et persistance de violations des droits de l'homme. Principale conclusion à retenir : les violations des droits de l'homme se poursuivent et les dépravations de fond de l'appareil policière et judicaire persistent. Le rapport de la mission prospective menée conjointement par la Fédération Internationale des Droits de l'Homme, du Conseil National pour les Libertés en Tunisie et Ligue tunisienne des droits de l'Homme souligne la poursuite des répressions, d'une grave violation des droits de l'Homme et de la violence contre les manifestants après le 14 janvier 2011. « Il s'agit de répressions irrégulières mais surtout organisées et décrétées au plus haut niveau dont le seul et l'unique but de martyriser et d'offusquer les manifestants », note le rapport qui s'est focalisé sur le comportement des forces de sécurité et de l'appareil judiciaire face aux manifestations organisées dans la capitale, à Kasserine et à Siliana et sur la lutte contre l'impunité. Patrick Baudouin, président d'honneur de la FIDH a souligné les disfonctionnements décelés du côté du ministère de l'Intérieur et du côté du ministère de la Justice. « Nous avons constaté des dépassements dans le comportement des forces de l'ordre, des réactions plutôt structurées et organisées dans les dérives », dixit Partick Baudouin. Et d'ajouter : « Et même si les autorités compétentes parlent de cas isolés nous continuons à dénoncer le mauvais traitement, la torture, l'utilisation des cagoules et la persistance d'une certaine impunité ». Partrick Baudouin appelle à davantage de coopération entre l'autorité policière et l'autorité judiciaire et à l'indépendance de la magistrature. Il affirme par ailleurs que la Fédération Internationale des Droits de l'Homme poursuivra son dialogue constructif avec le gouvernement provisoire et les autorités compétentes de manière à passer d'une terre de torture à une terre de tolérance. Pour sa part, Mokhtar Trifi, président de la Ligue tunisienne des droits de l'Homme insiste sur la nécessité de concrétiser sur le terrain la volonté politique à édifier un vrai Etat de droits et des institutions. « Nous poursuivrons du fait notre travail avec les forces de l'ordre pour pouvoir évaluer par la suite les résultats et l'écart entre la réalité et le mythe ». Par ailleurs, Mokhtar Trifi souligne que l'édification d'un Etat de droit et des institutions respectant les droits de l'Homme nécessite un travail de longue haleine à savoir l'ancrage de la culture de droits de l'Homme. « Nous sommes en train de reconstruire la Ligue après 23 ans de berne », ajoute- t-il. En matière d'assainissement et de réforme de la magistrature, Sihem Ben Sedrine porte-parole officiel du Conseil national pour les libertés en Tunisie (CNLT), affirme qu'outre les réformes légales en cours de concrétisation, des mesures sont entrain d'être mis en place pour un « nettoyage » de la magistrature en Tunisie. « Quatre magistrats ont été déjà écartés après l'ère de Ben Ali et les négociations se poursuivent entre les magistrats et le ministère de la Justice pour « assainir » la profession et faire le ménage dans ce corps de métier au cours des vacances judiciaires », précise Mme Ben Sédrine. Et en ce qui concerne les derniers événements survenus dans plusieurs régions du pays, les représentants des droits de l'Homme insistent sur l'obligation d'ouvrir des enquêtes sur les cas de violences graves à l'encontre des manifestants, des forces de l'ordre et des détenus. Des plaintes ont été déposées aux ministères de l'Intérieur et de la Justice évoquant des cas de torture et de répression subis par les détenus et les prisonniers. Les organisations de défense des droits de l'Homme attendent les résultats de l'enquête. Pour ce qui est de la dernière mesure prise par le gouvernement provisoire d'enrôler les manifestants éligibles au service militaire, Mokhtar Trifi et Sihem Ben Sedrine s'opposent catégoriquement à ce genre de mesure et refusent le fait de d'ériger l'institution militaire en une institution de répression. Jusqu'à preuve du contraire, 20 manifestants (4 de la capitale et le reste des différentes régions) ont été arrêtés et enrôlés sous les drapeaux. Sept mois après la Révolution, le rapport conjoint FIDH, du CNLT et de la LTDH et même s'il n'a pas la prétention d'être un rapport exhaustif, jette la lumière sur l'état des lieux des droits de l'homme après le 14 janvier. La mission note la poursuite de l'atteinte aux droits de l'Homme, de la liberté d'expression et des répressions après la chute de Ben Ali. Les disfonctionnements de fond de l'appareil judicaire et de l'appareil sécuritaire sont les principaux freins au respect du droit de l'Homme. La Révolution n'est pas gagnée d'avance. Le challenge est de taille et nécessite des préalables requis pour réussir la transition démocratique tant espérée. Une transition qui doit commencer par une antisepsie et une refonte totale de la base au sommet de la pyramide. Yosr GUERFEL AKKARI