N'est-ce pas le silence de la peur qui a donné mauvaise presse à notre presse nationale ? Certainement. Mais il ne faut pas nier aussi que le silence des uns a fait éclore des économies de rente pour ceux qui ont profité des donations généreuses de Ben Ali et de ses subalternes influents. " Ces mêmes personnes ne se réjouissent pas du changement dans le paysage médiatique en Tunisie. " a commenté hier matin Kamel Laabidi le président de l'Instance indépendante de la réforme de l'information et de la communication, lors de l'ouverture d'un colloque sur l'avenir du paysage médiatique en Tunisie. La manifestation organisée en étroite collaboration avec l'Institut arabe des droits de l'Homme a tiré le bilan de l'assujettissement de nos médias et dressé un état des lieux des atteintes portées aux journalistes. Les imposteurs journalistes, les plumitifs, et les hommes d'affaires en mal de notoriété ayant investi le domaine des médias ayant longtemps fait la courbette au souverain sont aujourd'hui les nouveaux ‘'prédateurs'' du paysage médiatique qui continuent à exposer leurs visages de l'épouvante pour délégitimer toute initiative de changement dans ce sens. Ce sont eux aussi qui se livrent à une guerre sans fin contre toute régularisation du domaine de la presse écrite et notamment celui de la presse audiovisuelle. Les ‘'journaleux'' font de la résistance Le président de l'INRIC n'a pas caché son amertume en évoquant la campagne de dénigrement dont fait l'objet les décisions de l'instance qu'il préside. " Il paraît que l'INRIC a dépassé la ligne rouge pour avoir touché aux intérêts de ceux que Ben Ali a maintenu dans l'assujettissement. L'Etat ne réagit pas à la campagne médiatique qu'ils mènent contre l'INRIC. Seule la Haute instance pour la réalisation des objectifs de la Révolution a condamné ces pratiques douteuses…. " a-t-il avancé en ajoutant " Les recommandations de l'instance quant aux visas à donner aux 12 radios et aux 5 chaînes de télévision sont restées lettres mortes. L'INRIC est vraiment inquiète quant aux actions des lobbies qui appartiennent à la même horde médiatique qui existait du temps de Ben Ali. ". Le président de l'INRIC aurait oublié, dans la foulée, de faire allusion aussi aux anciens ‘'journaleux'' dont Ben Ali a fait, pendant quelques temps, des héros en carton. Ces derniers, et à l'exception faite de quelques adeptes de la répression et de l'emprisonnement, s'improvisent, aujourd'hui, tuteurs des journalistes et martyrs de la liberté de la presse. Mohamed Abbou, l'avocat et le militant des droits de l'Homme ayant connu les affres du harcèlement et de l'enfermement du temps de Ben Ali s'est prononcé hier sur le code de la presse tunisien à travers les temps et les époques. Me Abbou bataille pour faire entendre raison. Même si certains demeurent convaincus que la guerre pour la liberté de la presse est perdue d'avance. L'intervenant qui a balayé l'histoire de la législation en rapport avec la presse a montré que l'Etat tunisien n'a fait que balayer d'un revers de main les aspirations de liberté des journalistes depuis l'époque du protectorat. Selon Me Abbou " La Tunisie est restée à la traîne pour ce qui est de la législation liée à la presse. Au lendemain de l'indépendance, le code de la presse tunisien était quasiment une traduction du même code qui existait du temps du protectorat et qui verrouillait le domaine, ne le laissant accessible qu'aux français et aux juifs. " Notre interlocuteur a expliqué, en effet, que les difficultés à créer un organe de presse tenaient l'obtention du récépissé et liées aussi au dépôt légal. " Après la Révolution ces lacunes ont été comblées, car il suffit désormais d'informer du lancement d'un périodique pour pouvoir commencer à le réaliser. " signale Me Abbou qui avance qu'on a recensée 67 infractions à la loi relevant du pénal que pouvait commettre un journaliste dans l'exercice de son métier dans l'ancien code de la presse tunisien. Hamida Ben Salah la directrice du bureau de Tunis de l'Agence France presse a indiqué que les choses ont parfois même frisé le ridicule. " Si on écrit un article sur une nappe phréatique, on aura à affronter un tsunami de critiques. Si on parle des moustiques on sera condamné de vouloir comploter contre la réussite de la saison touristique. Et si on ose critiquer le mode vestimentaire des invitées de Leila Ben Ali, cela relèverait d'un crime de lèse majesté ! Et c'est ce qui m'est arrivée dans l'exercice de mon métier. " avance Hamida Ben Salah qui ne serait pas la seule à avoir été un jour ou l'autre victime de la censure ou de son équivalent l'autocensure.