Encore une nouvelle parution sur les figures de proue qui ont participé au mouvement national tunisien et lutté contre la colonisation française. Après avoir écrit sur les illustres hommes de lettres (Mahmoud Messaâdi, Béchir Khraief, Abou Kacem Chebbi…) et les avant-gardistes du modernisme et des partisans des réformes (Tahar Haddad, Salah Souissi Kairawani, Zine Abidine Snoussi…), Ahmed Touili nous fournit aujourd'hui une nouvelle étude sur la vie et le parcours intellectuel et politique de l'un des grands patriotes tunisiens qui aient joué un grand rôle dans la vie politique à l'époque où la Tunisie était encore sous le joug de la colonisation. Il s'agit du nouveau livre intitulé : « Le leader Abdellaziz Thaâlbi : son parcours dans la lutte intellectuelle et politique ». Dans l'introduction de ce livre, on peut lire : « A l'occasion de la Révolution tunisienne durant laquelle le peuple tunisien se souleva contre l'injustice et la tyrannie et renversa le régime corrompu, le 14 janvier 2011, j'offre à la jeunesse tunisienne ce livre qui parle de l'un des grands hommes de Tunisie qui s'est illustré en politique comme en culture… ». L'auteur dresse d'abord un portrait biographique de l'homme politique tunisien (1874 – 1944), fondateur du Destour en 1920. Né d'un père notaire algérien, il suit une éducation traditionnelle et effectue ses études à la Zitouna de Tunis. En décembre 1895, il fonde le journal Sabil Errachad où se manifeste sa tendance pour des discussions religieuses ; le journal est interdit en avril 1896. Il quitte la Tunisie et visite la Turquie, l'Arabie et l'Egypte d'où il est expulsé en 1902. Il se réinstalle à Tunis en 1904 après un voyage en Algérie et au Maroc. En juillet 1904, il mène campagne contre des prédicateurs mais se voit condamné à deux mois de prison par la Driba pour attaque contre la religion. Il milite aussi au sein du mouvement des Jeunes Tunisiens dès 1907. À partir du 8 novembre 1908, devenu le lieutenant d'Ali Bach Hamba, il rédige l'édition arabophone du journal Le Tunisien. Dans sa première partie intitulée « Thaâlbi et son rôle réformateur », l'auteur énumère toutes les initiatives prises par l'homme dans les domaines sociaux : l'enseignement (appel à la généralisation de l'éducation en construisant des lycées dans toutes les régions, envoi de jeunes étudiants vers les universités européennes en vue de les former dans toutes les disciplines scientifiques…), l'imprimerie et l'édition ( exhortation à la création des maisons d'édition en vue de propager la culture et le savoir, d'installer des bibliothèques nationales et de lancer la publication des journaux..). L'auteur a ensuite rappelé les thèses humaines de Thaâlbi qui reposent sur la tolérance et l'ouverture envers autrui, notamment celles prônées dans son livre « L'Esprit Libéral du Coran ». Un chapitre a été consacré à sa position envers la femme, qui était à l'époque à l'écart de la société ; il appelait à l'abandon du « Hijab » qui, selon lui, était un signe de soumission et d'isolement disant que « il n'existe aucun texte religieux qui interdise à la femme de montrer son visage » et qu'il « lui était permis de sortir en public sans voile à condition qu'elle respecte la pudeur et les bonnes mœurs ». Toutes ces positions jugées un peu trop modernistes et progressistes par ses détracteurs lui ont valu la prison en 1904. La deuxième partie traite du parcours politique de Thaâlbi. Ses thèses politiques figurent dans son livre intitulé « La Tunisie martyre : ses revendications », paru en France en 1920, en 2000 exemplaires dont plusieurs furent adressés secrètement aux directeurs de journaux espagnols, italiens, anglais suisses, syriens, égyptiens, indiens, libyens et turcs. Il voulait par-là sensibiliser les peuples du monde à la cause tunisienne en multipliant les contacts avec les représentants des organisations et des associations françaises et internationales. Lors d'une visite effectuée en France, Thaâlbi œuvra pour la reconnaissance des droits du peuple tunisien et son droit à l'autodétermination, notamment après la Conférence de Paix de Paris tenue en 1919, après la fin de la Première Guerre Mondiale . Il fut arrêté en France et extradé en Tunisie où il fut emprisonné à Kalaâ Khisba en 1920 pour complot à la sûreté de l'Etat. L'auteur du livre parle ensuite longuement de la constitution du Destour par Thaâlbi, œuvre principale de sa vie politique. Il présida ce nouveau parti. Mais, menacé de poursuites, il quitta de nouveau la Tunisie en 1923. « Durant son exil, il se rend en Italie, en Egypte et en Irak : il prend contact avec de nombreux leaders nationalistes et participe à de nombreux congrès panarabes, dont le congrès de Jérusalem (1931), et à de nombreux congrès panislamiques. Sa notoriété grandit et en fait l'un des leaders du mouvement panislamique. Il continue à parcourir plusieurs pays du monde musulman allant jusqu'aux Indes néerlandaises (actuelle Indonésie). » Il ne rentrera en Tunisie qu'en 1937, après avoir passé 14 ans d'exil forcé. Entre temps, le Néo-Destour de Habib Bourguiba fut fondé en 1934, après que le vieux Destour de Thaâlbi avait connu une scission provoquant l'émergence de deux tendances dont la plus revendicative, celle du Néo-Destour, était conduite par Habib Bourguiba. A la fin de cet ouvrage, le lecteur découvrira les principaux articles de presse écrits par Thaâlbi, les discours qu'il avait prononcés qui constituent des documents rares, ainsi que des témoignages historiques d'éminentes personnalités tunisiennes et arabes, telles que Mahmoud Zaki Bacha, Mohamed Fadhel Ben Achour, Abdel Hamid ibn Badiss, Ibrahim Abdallah et d'autres encore…