Une conférence nationale sur la justice transitionnelle se tiendra samedi prochain. Anticipant la date de ce rendez-vous, le Réseau tunisien de la justice transitionnelle (RTJT), dirigé par Dr. Mohamed Kamel Gharbi, s'est empressé de préparer un projet de loi sur cette justice qu'il compte soumettre à l'Assemblée Nationale Constituante (ANC). Dans une déclaration au Temps, Dr Gharbi a affirmé qu'il « est temps d'agir. Plusieurs consultations ont eu lieu. Trop de temps a été perdu. L'heure n'est plus à l'attente. Pour faire avancer les choses, le RTJT a élaboré un projet de loi ». Sur les ondes de Shems.FM, il avait comparé l'achat du silence des victimes d'abus, notamment les blessés et les familles des martyrs de la révolution, est une forme de corruption. Le projet de loi définit la justice transitionnelle comme l'ensemble des mécanismes et moyens permettant de divulguer la vérité concernant les atteintes et les dépassements commis par les structures de l'Etat ou les personnes assumant des responsabilités gouvernementales, administratives ou partisanes durant les époques de dictature passées. Il s'agit de délimiter les responsabilités, de demander des comptes à ceux qui ont bafoué les droits des citoyens et assurer l'équité pour les victimes. Ces derniers ont le droit de jouir de réparations satisfaisantes, sans que les responsabilités ne soient éludées pour déboucher sur une réconciliation nationale et sauvegarder la mémoire collective en collectant et sauvegardant les documents témoignant des dépassements. L'objectif est d'assurer le non retour de ces atteintes dans l'avenir. Est considérée comme victime toute personne qui a subi un préjudice physique, mental ou une souffrance psychique, pertes financières, privation de droits fondamentaux à travers des pratiques, des erreurs ou des agressions, qui sont des atteintes aux droits de l'homme dans leur acceptation universelle. Il en est de même pour les associations, organisations, entreprises ou régions qui ont subi des pertes directes suite à ces atteintes. La période couverte remonte à la date de proclamation de la République en 1957. Les investigations concernent tous les dépassements enregistrés dans les domaines politiques, civils, économiques, sociaux, culturels et environnementaux. Le Réseau tunisien de la Justice transitionnelle, propose la création d'un Instance Supérieure de la Justice Transitionnelle (ISJT), bénéficiant de l'autonomie administrative et financière. Cette Instance dont la durée de vie est fixée à cinq ans (une prolongation d'une année est possible) aura à superviser le processus de justice transitionnelle, veillera à garantir les droits des victimes dans leur souci de connaître la vérité, de bénéficier de la justice et leur droit d'être réhabilités et de bénéficier des réparations nécessaires et d'être protégés. L'ISJT, veillera à prouver la « matérialité » des atteintes en procédant aux investigations nécessaires avec les victimes et les responsables directs et indirects. Elle vérifie la conformité des documents avant de les transmettre à la justice. Elle participera à la mise en place de mécanismes pour que les auteurs des atteintes soient sanctionnés. Elle traduit les coupables devant la justice et a la latitude de faire appel des jugements prononcés. Elle permet aux victimes de bénéficier des réparations morales et matérielles après le suivi des opérations de leur réinsertion. Elle facilite les moyens et les mécanismes de réconciliation nationale. Elle participe à l'archivage des documents et avance des propositions sur les moyens de sauvegarder la mémoire nationale. En même temps, elle participe à la promotion et la protection des Droits de l'Homme ainsi que la diffusion de la culture y afférente. Elle étudie les textes juridiques en rapport avec la justice transitionnelle et propose des réformes nécessaires pour la réalisation des objectifs de la Révolution et la garantie du non retour aux atteintes déjà commises. Cette instance sera composée d'une instance centrale à Tunis qui peut se réunir à l'intérieur du pays et d'instances régionales dans les centres des gouvernorats. L'instance supérieure peut former des commissions techniques constituées par des experts dans des domaines spécifiques. Les membres de cette instance doivent être âgés au moins de 25 ans et satisfaire à des critères bien déterminés, entre autres, la compétence, l'honnêteté et l'indépendance. Ils ne doivent pas avoir assumé des responsabilités gouvernementales, ou au sein du RCD dissous. Ils doivent se consacrer entièrement au travail au sein de l'instance. Ils ne doivent pas avoir été mêlés directement ou indirectement dans des atteintes aux Droits de l'Homme. Il est proposé que l'Instance soit composée de 31 membres, choisis par l'ANC. Dix membres seront choisis parmi les victimes, huit membres représenteront les associations de la société civile exerçant dans le domaine de la justice transitionnelle. Quatre représenteront les différentes structures juridiques, quatre les hommes de loi, deux parmi les hommes de sciences religieuses et trois journalistes. Le projet précise les règles de protection et de règlement des litiges. Attendons les débats de samedi prochain.