Les prix de vente des paquets de cigarettes ont augmenté à partir de dimanche 29 juillet. Cette hausse concerne les cigarettes locales et étrangères. La nouvelle est tombée comme une foudre sur les fumeurs, notamment ceux qui sont dépendants de cette drogue. Quels effets peut-on attendre de cette augmentation de prix, notamment sur les consommateurs de tabac qui vont voir se multiplier le budget consacré à la ration mensuelle en paquets de cigarettes ? Suite à cette mesure, les ventes de cigarettes vont-elles baisser ? Les fumeurs vont-ils être contraints à modérer leur consommation de cigarettes ou carrément s'en abstenir ? A la lumière d'une petite enquête menée auprès des fumeurs, ces derniers sont unanimes à nous affirmer qu'ils vont encore fumer régulièrement, abstraction faite des retombées de ces augmentations sur leur budget ou sur leur santé ! D'autres pensent que si de telles mesures visent à boucher des trous de budget de l'Etat, elles n'auront néanmoins que peu d'impact sur la santé des fumeurs !
Avant de rapporter les témoignages recueillis auprès de fumeurs d'âge et de sexe différents, rappelons que, selon les statistiques faites en 2010 par La Ligue nationale de lutte contre la tuberculose et les maladies respiratoires, 61% des Tunisiens âgés de plus de 25 ans sont des fumeurs dont 5% de femmes. Les statistiques précisent également que le Tunisien consomme 17 cigarettes par jour en moyenne et consacre 5% de son revenu au tabac contre 3,2% pour sa santé et 1,8% pour la culture. Des chiffres on ne peut plus alarmants. Et dire que les campagnes anti-tabac lancées par le passé n'ont pas changé d'un iota le comportement de nos fumeurs ! L'augmentation des prix du tabac serait-elle capable de les en dissuader ? D'autant plus qu'on laisse entendre officiellement qu'il s'agit « d'une manière de préserver la santé du citoyen tunisien. »
Certes, il y aura sûrement des fumeurs qui vont profiter de cette hausse des prix, encouragés par le jeûne de ramadan, pour arrêter, ou du moins diminuer de leur consommation quotidienne en cigarettes, avec les difficultés financières engendrées par les folles dépenses de ramadan. En revanche, d'autres, plus dépendants du tabac, vont continuer de fumer, coûte que coûte ! Les adolescents, les jeunes (filles et garçons) qui commencent à s'habituer à cette drogue auront certainement besoin de demander à leurs parents d'augmenter leur argent de poche ! Et l'on a peur que, faute de moyens, ces jeunes débutants ne se rabattent sur d'autres produits addictifs moins chers, mais plus nuisibles à la santé, comme les tabacs à rouler ou ceux de contrebande qui multiplient les risques de maladies cardio-vasculaires et pulmonaires et ne procurent pas de taxes à l'Etat. Ainsi, sur le plan de la santé, une telle mesure a de faibles chances de diminuer le nombre de fumeurs qui ne cesse d'augmenter surtout dans les rangs de la jeunesse. Voici quelques témoignages recueillis auprès d'un groupe de fumeurs, suite à la dernière augmentation des prix du tabac.
Jamel, 25 ans, employé : « Décidément, ça va influer sur mon budget. D'ordinaire, je fume un paquet « Royale » par jour dont le prix est devenu 4,150. Faisons un petit calcul : 4,150 X 365 jours = 1.514,750 par an. Que dire pour quelqu'un qui en consomme deux chaque jour ? La facture sera vraiment salée ! »
Hajer, 52 ans, femme au foyer : « Que le prix augmente ou baisse, ma dose sera toujours la même. Même avant cette augmentation, j'ai essayé d'arrêter, mais en vain ! C'est devenu une addiction pour moi. D'ailleurs, ce n'est pas la hausse du prix d'un paquet de cigarette qui va bouleverser le budget familial ! La flambée des prix est partout, surtout ceux des produits alimentaires ! On n'y peut rien. Il faut s'adapter ! »
Hamda, 75 ans, retraité : « C'est une aberration que de se passer du tabac après plus de cinquante ans d'addiction ! D'ailleurs, je ne fume que des 20 mars légères dont le nouveau prix (2,250) reste à la limite de mon budget, ce sont les cigarettes les moins chères ! A quoi bon rouspéter, quand on sait que les prix des denrées alimentaires ont augmenté à plusieurs reprises, notamment au mois de ramadan. S'est-on jamais abstenu de manger ou de boire à cause d'une augmentation de prix ! Le tabac, c'est pareil pour moi, je ne saurais m'en priver à cet âge, c'est devenu une nécessité ! »
Sami, 45 ans, commerçant : « Franchement, les dernières hausses des prix du tabac n'auront pas de changements réels sur le comportement des fumeurs : leur consommation va stagner et leurs besoins en cigarettes seront satisfaits, quitte à se reporter sur les tabacs à rouler et les tabacs à pipe, qui sont meilleur marché. Cette hausse n'a de but que de renflouer les caisses de l'Etat, mais il ne faut pas oublier que le marché parallèle va en profiter ! »
Maher, 40 ans, fonctionnaire : « Cette hausse du prix du tabac ne ferait que gonfler les comptes de la contrebande. Les gens qui vont s'abattre davantage sur le commerce illicite des cigarettes (provenant essentiellement de pays voisins) vont sans doute faire perdre d'importantes recettes fiscales à l'Etat, d'autant plus que la vente illégale de tabac sur les trottoirs prend des proportions inquiétantes depuis la Révolution. Les retombées seront néfastes surtout sur les personnes à faibles revenus, qui sont d'ailleurs de grands fumeurs, les plus nantis ne seront pas concernés par de telles hausses ! »