La période concernée commence le 1er juin 1955, jusqu'à la promulgation de la loi Risques de voir la Troïka mettre la main sur l'Instance
Certains tiraillements politiques et des tensions ont eu leur effet néfaste retardant la mise en place de la justice transitionnelle. Après des concertations qui ont duré des mois, des séminaires et des rencontres organisés par plusieurs associations de la société civile et des consultations tenues par le ministère des Droits de l'Homme et de la Justice transitionnelle, la première mouture du projet de loi organique concernant cette revendication contenue dans les programmes de tous les partis politiques avant les élections du 23 octobre, voit le jour. C'est une mouture préparée par la commission technique qui a été chargée du dialogue national sur la justice transitionnelle au sein du ministère.
Le projet fixe les bases et les champs de la Justice transitionnelle. La commission du ministère a pu en cinq mois définir les grandes lignes du projet. Il sera soumis à l'approbation du Gouvernement avant d'être transmis à l'Assemblée Nationale Constituante (ANC) pour adoption. Il est souhaitable que la version définitive ne soit pas très différente du projet proposé par la commission technique qui est formée, entre autres, de représentants d'associations qui s'étaient penchés sur la question.
Le projet comprend plusieurs volets relatifs notamment aux fondements de la justice transitionnelle et à ses concepts relatifs à l'établissement de la vérité, la préservation de la mémoire, le dédommagement et la réhabilitation des victimes ainsi que la mise en place des mécanismes de reddition des comptes et de jugement. Il prévoit également la création de chambres spéciales au sein des tribunaux, chargées de juger les affaires de violations graves des droits de l'Homme, et propose la promulgation de lois relatives à la réforme des institutions visant à enrayer la corruption et l'oppression et à prévenir que les violations ne se reproduisent.
Dr Mohamed Kamel Gharbi, président du Réseau Tunisien de la Justice Transitionnelle a précisé dans une déclaration au Temps, que le projet définit les bases de la Justice transitionnelle et ses fondements. Il s'agit de connaître la vérité, de sauvegarder la mémoire, de réparer les préjudices matériels et moraux, de questionner et demander des comptes, de procéder aux réformes structurelles et d'arriver en fin de compte à la réconciliation.
L'Instance qui se chargera de la Justice transitionnelle sera composée de 15 membres, dont des universitaires spécialisés en histoire, sociologie, psychologie où figurent aussi deux représentants des victimes et deux représentants des associations des Droits de l'Homme...
Les candidats présenteront leurs candidatures à l'Assemblée Nationale Constituante (ANC). Une commission au sein de la Constituante, composée de représentants des différents groupes à raison d'un par groupe, examinera les candidatures pour vérifier leur conformité ou non aux conditions requises. Cette commission sélectionnera 30 candidats, à raison de deux candidats par spécialité. C'est l'Assemblée Nationale Constituante (ANC) qui élira, en séance plénière, à la majorité absolue, les quinze membres de l'Instance. L'Instance est appelée à se réunir pour élire son propre président, son adjoint et son secrétaire général.
Les travaux de l'Instance couvriront la période allant du 1er janvier 1955, jusqu'à la date de promulgation de la loi. Même après la Révolution, sous les gouvernements de Mohamed Ghannouchi, Béji Caïd Essebsi ou Hamadi Jébali, tous ceux qui auraient pu violer les Droits de l'Homme, ne seront pas épargnés.
Cette instance a des prérogatives très larges. Son budget émarge sur le budget de l'Etat sans que le Gouvernement puisse intervenir.
Le principe de la transparence est à la base des activités de l'Instance. Toutes les portes lui seront ouvertes. Elle aura accès à toutes les informations sans restrictions.
Dr Mohamed Kamel Gharbi, a émis, à titre personnel, deux objections à ce projet.
Tout d'abord, il trouve que les victimes avec uniquement deux membres, ne sont pas suffisamment représentées. Il estime que les victimes devraient être représentées, au moins par le quart des membres de la Commission. La deuxième remarque touche à la nature de la majorité nécessaire pour être élu au sein de l'Instance. Il considère que la majorité absolue est insuffisante. Elle consacrera irrévocablement le choix de la Troïka, un choix politique, alors que les membres de l'Instance doivent mériter du consensus le plus large possible. Il propose la majorité des deux tiers.
Un autre point qui n'a pas fait l'unanimité. Certains ont préféré qu'il y ait un Pôle de magistrats spécialisé. Le projet a retenu des antennes antennes dans les différentes circonscriptions, ce qui risque de faire diluer les choses.