Il est d'habitude pour les publicistes de faire les bilans en fin d'année pour évaluer l'évolution politique économique et sociale du pays. Que restera-t-il de 2012 dans la mémoire collective et historique des Tunisiennes et des Tunisiens, ou faut-il oublier cette année de transition où on a expérimenté toutes les manœuvres possibles expérimenté toutes les manœuvres possibles pour l'année 2013 qui s'annonce décisive ! Décisive parce qu'elle peut être celle de l'adoption de la Constitution et des élections qui mettront fin à ce cycle « transitionnel » infernal et interminable pour engager le pays vers la stabilité au moins pour cinq ans. L'expérimentation, quant à elle, a touché plus d'un domaine et plus d'un phénomène. Commençons, d'abord, par les « valeurs » (Al Kiyam). Les élections de 2011 gagnées par la « Nahdha » avec l'effritement de l'ensemble des familles sociales-démocrates et libérales de la gauche et du centre moderniste, ont donné une forte tentation au Parti islamiste modéré d'aller de l'avant et de mettre l'élan révolutionnaire de décembre-janvier 2010, au service d'un changement qualitatif important : la réislamisation de la Tunisie sur des modes et des modèles inspirés d'orient surtout d'El Azhar égyptien. D'où cette vague successive de « Douaât » (prédicateurs) pour la plupart Egyptiens et Saoudiens, qui se sont relayés aux « manabers » de nos mosquées les plus prestigieuses de Kairouan, à Tunis, pour proposer aux Tunisiens, une religion qu'ils ne connaissent qu'à travers la grande mosquée de la Zitouna depuis des siècles. Mais, la résistance de la société civile et surtout de certains ulémas de la Zitouna elle-même telle la « charte » de feu le cheikh vénéré, Kamel Eddine Jaïet, ancien Mufti de la République, semble avoir tempéré les ardeurs et même le cheikh Rached El Ghannouchi, à travers une vidéo célèbre, a appelé à « la politique des étapes », en la matière, ce qui en fait un bon bourguibiste malgré lui ! Par conséquent, l'accalmie religieuse permet au moins de réduire une des tensions essentielles qui risquaient d'engager le pays vers une gué-guerre de religions larvée. Il reste, cependant, le problème aigu du contrôle des mosquées récalcitrantes que le ministère des Affaires religieuses n'arrive pas à maîtriser, sans parler de la mobilisation politique par les Imams qui pose et posera de très sérieux problèmes à l'avenir, car vouloir « dépolitiser » les mosquées relève d'une chimère parce que les Islamistes militants croient que l'Islam est un culte mais aussi un ordre social et une manière de vivre donc un modèle de société capable de résoudre les problèmes de toutes les époques même modernes. La solution à toute cette problématique, délicate pourrait s'inspirer de la Turquie, où l'Islam politique du gouvernement a consacré la « laïcité » de la Société et de l'Etat turques. Finalement, le Premier ministre, M. Hamadi Jebali a bien fait de consacrer quelques jours pour une visite de travail, certes, mais aussi d'observation lucide de ce modèle où l'Islam est vécu naturellement sans aucune contrainte et qui réussit une croissance économique de plus de 7% par an. D'ailleurs, la Nahdha, au départ, a été porté au pouvoir en octobre 2011, sur la base d'un programme électoral similaire qui consacrait « l'Etat civil » de la République, mais l'appétit est venu en mangeant, et les problèmes avec, nés surtout d'une certaine méfiance de la société civile, de voir la Tunisie évoluer vers l'Iran, plutôt que vers la Turquie. Autre expérimentation de 2012 : les conflits sociaux et politiques et la méthode utilisée sur le terrain. Disons, tout de suite, que ce gouvernement n'a pas eu la vie facile tout au long de l'année avec une mobilité sociale revendicative excessive et avec des régions de l'Ouest du Nord au Sud, survoltées et impatientes. Il a été par conséquent, au four et au moulin avec en plus des intempéries climatiques et surtout des dérapages sécuritaires tels que Siliana et l'attaque de l'Ambassade américaine à Tunis. Là aussi, la tentation a été de « dompter », par la force, l'UGTT, jugée source de l'encadrement et de la mobilité revendicative excessive. Le recours à la violence des « comités de protection de la Révolution » n'a pas été trois heureux. Bien au contraire. Mais devant l'impasse et l'appel à la grève générale, la raison a fini par l'emporter. Il va falloir maintenant rétablir les canaux de l'entente sociale « cordiale » par la négociation et le dialogue permanent et pacifique. Idem pour la confrontation politique, après l'émergence de « Nida Tounès » et du Front Populaire (Jabha Chaâbiya). La méthode de la « violence » politique utilisées par certains partis, et la mobilisation de la rue, ne peut, en aucun cas, favoriser l'émergence d'une démocratie civile pacifique et de droit. Au contraire c'est toute l'image de marque de la Révolution et de la Tunisie qui en prend un coup très sévère, au détriment de la confiance des investisseurs nationaux et internationaux et du tourisme. Partant de tout ce qui précède, 2013, pourrait être l'année du salut, à condition qu'elle soit l'année de la raison et du compromis dynamique. La Nahdha doit revenir à son programme électoral initial pour rassurer l'opinion nationale et internationale. C'est à elle de « remodeler » son « modèle » et à la limite de tunisifier son référentiel islamique et pour cela tous les chemins mènent à la « Zitouna » et sa culture de la modération et de la tolérance. L'opposition centriste, quant à elle, doit trouver la voix à une plus profonde concertation « utile » pour arriver à un équilibre possible avec les Islamistes. Continuer à hésiter, faire la fine bouche et vouloir garder des structures totalement déconnectées et inefficaces au regard de la mobilisation politique ne peut les mener à la victoire. Enfin, les mouvements populistes et révolutionnaires de gauche se doivent de piocher plus, côté programme économique. Le capital est volatile et l'investissement aussi. Il ne peut se déployer avec la peur et la Tunisie ne peut pas vivre en autarcie, car l'exemple cubain a fait faillite depuis les années 90. Il va falloir qu'ils composent avec l'économie de marché et ne pas tout miser sur l'Etat providence. Pour ma part, au soir d'une vie consacrée à l'étude mais aussi à la pratique politique, il m'arrive, comme chacun, de faire des rêves à la veille de l'année qui s'éteint. Le mien, si vous le permettez, pour 2013 c'est une alliance entre Nida Tounès élargi à El Joumhouri, El Massar et la famille centriste démocratique, avec « Ennahdha » pour l'intérêt général national et la paix sociale avec une participation active de l' UGTT, et de l'UTICA... ! Je vous ai bien dit que c'est un rêve ! Mais, pour le réaliser il faut une « Fatwa » du Cheikh Rached Ghannouchi ! Qui sait... Rabbi Yehdi ! Il ne faut jamais désespérer ! Bonne et heureuse année pour toutes et pour tous... Gardez le moral !