«L'indépendance syndicale est intangible» L'UGTT vient de commémorer le centenaire de la naissance de Habib Achour, principal fondateur avec Farhat Hached, de cette organisation syndicale dont l'objectif a toujours été de soutenir les travailleurs dans leur lutte contre l'exploitation et l'injustice. Houcine Abassi, actuel secrétaire général dudit syndicat, a passé en revue les dates-clé du parcours de ce fervent militant, qu'il a qualifié entre autres de puissant leader syndical et d'homme politique courageux. Pourtant le combat de cet ouvrier et fils d'ouvrier, originaire des îles de Kerkennah, a toujours été pour la défense des travailleurs et ce depuis l'ère coloniale, au cours de laquelle, ces derniers n'avaient aucune protection sociale. Les autochtones étaient corvéables à merci, et subissaient les injustices et l'inégalité de traitement. Habib Achour a pris conscience de la situation misérable dans laquelle se débattaient les ouvriers, notamment dans le secteur agricole, étant exploités par les colons, gros propriétaires terriens, qui utilisaient les autochtones pour les travaux pénibles moyennant des rétributions modiques. A ce propos, c'est par là que le combat de la femme a commencé, car elle avait enduré, en travaillant dans les champs, les vendanges et la cueillette des olives et des oranges, sans pour autant désarmer, dans le but de subvenir aux besoins de sa famille, et de gagner sa vie, modiquement peut-être, mais dignement. Ce fut dans cette conjoncture que Habib Achour a mené un combat qu'il voulut syndical à la base. Il n'a jamais été un politicien, et n'était nullement versé dans les rouages de la politique. Il se trouva cependant, au fil de sa lutte syndicale, à être confronté à des situations dans lesquelles le mouvement syndical était tributaire de la conjoncture politique. Déjà en 1925, c'est-à-dire en pleine période coloniale, la première étincelle d'une organisation ouvrière tunisienne, avait jailli avec M'Hamed Ali, le précurseur du mouvement syndical. Cependant les autorités coloniales avaient fini par boycotter ce mouvement, en arrêtant M'hamed Ali et ses compagnons dont Tahar Haddad, en vue de les juger et de les condamner pour trouble à l'ordre public. En cette même période, les militants du parti du Destour créé en 1920, avaient été arrêtés, et certains d'entre eux furent exilés. Les syndicalistes de l'époque, militaient sur un double front:la défense des travailleurs et la libération du pays du joug du colonialisme. Ils n'avaient pas été assez soutenus par les membres du Destour. Habib Achour n'avait à l'époque que 12 ans, mais son existence dans un milieu ouvrier, l'avait certainement interpellé. Plus il avançait en âge plus il prenait conscience de la nécessité du combat purement syndical, dans l'intérêt du travailleur. Il avait fait la connaissance du leader Farhat Hached, originaire de la même région que lui à El Abbassia, et un compagnon de route qui avait la même préoccupation que lui. En 1946, période de l'après-guerre, le pays qui a été un champs de bataille pour les alliés, était dans une situation sociale et économique des plus déplorables. L'idée de créer un syndicat purement tunisien pour défendre les intérêts des autochtones, a été enfin concrétisée par la création de l'Union Générale des Travailleurs Tunisiens, et ce grâce à l'endurance de Farhat Hached, soutenu par son compagnon Habib Achour. C'est le début d'un long chemin de militantisme syndical, pour ce syndicaliste invétéré et résolu à militer corps et âme pour l'intérêt des travailleurs, leur solidarité. Farhat Hached, qui s'était affronté aux autorités coloniales, est devenu pour eux un ennemi politique, et fut de ce fait la cible de « la main rouge », une organisation terroriste pro colonialiste, laquelle l'a abattu sauvagement un 5 décembre 1952. Habib Achour, qui l'avait remplacé à la tête de l'UGTT, avait continué sur ses pas et devait par la force des choses, mener un combat syndical et politique. C'est la raison pour laquelle, l'UGTT, était devenue en quelque sorte la courroie de transmission du Destour, seul parti militant à l'époque. Le parti communiste n'était qu'une filiale du parti communiste en France, comme l'était la CGT par rapport à la centrale syndicale française. Achour le politique A l'avènement de l'indépendance les données ont changé. Habib Achour, qui continua de défendre les intérêts des travailleurs, s'était de plus en plus affronté au parti unique et à la dictature. Cela ne put que le déterminer davantage à lutter contre la dictature et à défendre les libertés et les droits humains. Il avait tenu tête à Bourguiba, comme il l'avait fait durant la période coloniale. Ce qui lui avait valu de reprendre le chemin des prisons du 9 avril, Borg Erroumi et Ennadhour comme « au bon vieux temps ». Bourguiba qui l'avait utilisé auparavant pour l'emporter sur Ben Youssef, lors du congrès de Sfax en 1955, ou destituer Ben Salah, l'avait lui-même envoyé en prison à plusieurs reprises, dont notamment lors des évènements du jeudi noir en 1978, ou à la suite des émeutes du pain en 1984. Beaucoup ont encore en mémoire, ce jour sanglant, dont on tiendra pour responsable Habib Achour, qui décréta la grève générale dans tout le pays, en réaction à l'égard de la politique de Hedi Nouira, chef du gouvernement à l'époque qui s'opposa à l'augmentation des salaires. Son endurance et sa détermination à affronter n'importe qui et n'importe quoi, dans l'intérêt des travailleurs, lui valurent le surnom de vieux lion. Il était indiscutablement pour l'indépendance de l'organisation syndicale, et il était convaincu, que toute politique qui ne tient pas compte de l'intérêt des travailleurs était vouée infailliblement à l'échec. L'UGTT a toujours été au centre des débats d'ordre politique, social et économique. Son nom restera à jamais lié à celui de leurs fondateurs, Farhat Hached et sur ses pas Habib Achour. Ce dernier a su respecter la mémoire de son compagnon de lutte et rester digne jusqu'au bout. Il s'est éteint un 19 mars 1999, et sa mémoire restera gravée à jamais en tant qu'icône de la défense des travailleurs.