A l'heure où l'indépendance de la magistrature est sur la sellette, et où la naissance de l'instance provisoire de la magistrature est imminente, la liste définitive de ses membres venant d'être arrêtée, les magistrats de Sidi Bouzid continuent à protester de voir leurs salaires diminués de sommes importantes allant de 400 à 1300 dinars, et ce pour absences injustifiées, selon ce qui est mentionné sur leurs bulletins de salaire. Les magistrats sont-ils tenus de pointer ?
En général, et bien qu'il s'agisse d'un fonctionnaire public, le magistrat est régi par un statut particulier. Selon le système français dont nous nous inspirons, sur le plan administratif, le statut du magistrat comporte les mêmes mécanismes que le statut général de la fonction publique, et sur cette base le magistrat comme le reste des fonctionnaires est tenu de marquer sa présence et de motiver toute absence impromptue et sortant du cadre des absences légales. En 2011, le décret-loi relatif au statut des magistrats tunisiens, reprend pratiquement les mêmes principes que celui de la fonction publique, du moins en ce qui concerne la nomination, les positions administratives l'avancement, et la révocation, et toutes les procédures disciplinaires y afférentes. Sachant qu'à l'époque, le syndicat des magistrats tunisiens a qualifié ledit statut de médiocre, l'hégémonie y étant consacrée de manière notoire et indubitable. C'est pourquoi, la création d'une instance de la magistrature a été dans le but de mettre fin à la mainmise de l'exécutif sur le domaine judiciaire. C'est d'ailleurs la base sur laquelle ont protesté les magistrats de Sidi Bouzid, contre des prélèvements sur les salaires de manière unilatérale et abusive et sans qu'ils aient été préalablement informés. Les formalités préalables non respectées Les principes généraux du droit administratif, priment sur toutes autres règles de n'importe quel statut général ou particulier de la fonction publique. Le questionnaire préalable à toute sanction administrative est obligatoire, car il permet à l'intéressé de s'expliquer et de se défendre. sans quoi la sanction est considérée comme étant abusive, et peut être annulée par le tribunal administratif. Selon le ministère de la Justice, les absences des magistrats concernés ont été signalées, par le procureur, selon un rapport dûment établi, et sur la base duquel, l'inspection a entamé les procédures disciplinaires nécessaires pour absences injustifiées. Ce que conteste Mohamed Missaoui un des juges en question qui affirme qu'il n'a reçu aucun questionnaire à ce propos, tout comme ses collègues, décidés d'ailleurs à présenter une requête devant le tribunal administratif pour sanction abusives. Des absences dues à la grève ? Selon le chargé de la communication au ministère de la Justice, le prélèvement sur les salaires ne peut avoir pour cause que l'absence sans motif légal, en spécifiant qu'il n'y aucun lien entre ces prélèvements et leur participation à la grève, ajoutant que les importants prélèvements sur les salaires desdits magistrats correspondent à des absences pendant plusieurs jours. Mesures dénoncées par l'observatoire et l'association des magistrats Ahmed Rahmouni, président de l'observatoire tunisien pour l'indépendance de la magistrature, (OTIM) a dénoncé dans un communiqué paru dernièrement cette mesure qu'il qualifia d'abusive, ayant été prise sans procédure préalable à toute sanction et permettant à tout concerné par une telle mesure de s'expliquer et de se défendre. Il ajouta que cela ne fait que perpétuer les pratiques abusives de l'ancien régime, quoique les formalités préalables étaient quand même respectées à cette époque, et quand bien même la sanction était déjà décidée. Ces formalités servaient à noyer le poisson, mais elles étaient souvent respectées. Aujourd'hui on est en présence d'une sanction, par laquelle les concernés ont été surpris et sont tombés des nues. Ce qui est bien pire. De son côté, l'association des magistrats tunisiens, dans une conférence de presse tenue au palais de Justice le vendredi dernier, a dénoncé cette méthode qui constitue une atteinte supplémentaire à l'indépendance de la magistrature, et ne faisant que confirmer cette obstination de l'exécutif à avoir la mainmise sur le secteur de la Justice. L'affaire des magistrats révoqués pendante encore devant le tribunal administratif ne peut que justifier l'inquiétude des magistrats face à ces problèmes constituant une menace à leur indépendance, laquelle est la base pour toute justice impartiale et équitable. Raoudha Karafi, la vice-présidente de l'association a de ce fait insisté sur l'intérêt d'instituer l'instance provisoire de la magistrature sur la base de l'impartialité et de la compétence pour le choix de ses membres. Par ailleurs elle a affirmé que la prochaine Constitution doit être encore reprise sur certains points, afin que de préserver davantage l'indépendance de la justice de mettre mieux en exergue le pourvoir judiciaire qui est l'une des bases sur lequel se fonde tout Etat démocratique.