Le marathon des pourparlers par quartette interposée, s'est finalement terminé en queue de poisson où les acteurs n'ont fait que labourer dans l'eau. Les Tunisiens qui attendent depuis plus d'un mois une sortie de crise, sont restés sur leur faim. D'ailleurs c'était un échec annoncé selon certains observateurs. Les partis politiques n'ont pu trouver un consensus qui mette un terme à la crise dans laquelle se débat le pays depuis l'assassinat de Mohamed Brahmi, le 25 juillet dernier. Quels sont les scenarii possibles pour la prochaine étape ? Le Front national du Salut a annoncé que le dialogue n'avance pas. Les négociations qui ont commencé depuis plus d'un mois n'ont pas été concluants. Que va-t-il se passer aujourd'hui ? Sur le plan juridique la loi fondamentale d'organisation provisoire des pouvoirs, ne permet pas de former un autre gouvernement, sans avoir présenté et fait adopter au préalable une motion de censure, contre le Gouvernement actuel au sein de l'Assemblée Nationale Constituante. C'est-ce que stipule l'article 19 de la petite Constitution. Cette voie est dans la situation actuelle, impossible à emprunter. La majorité actuelle au sein de l'ANC, le gel de ses activités ne permettent pas de penser à pareille option. Faudra-t-il que l'ANC reprenne ses activités ? Une autre voie est possible, du moins théoriquement : la démission du gouvernement actuel. Cette démission serait présentée au président de la République. C'est une pratique répandue dans toutes les démocraties du monde. En Tunisie, dans l'état actuel des choses, cette hypothèse n'est pas concevable, puisque le Gouvernement actuel tient à rester au pouvoir, du moins jusqu'à ce que l'ANC achève ses activités constitutionnelles. Certains membres réfractaires de l'ANC pensent que l'amendement de la loi fondamentale d'organisation provisoire des pouvoirs est nécessaire. Cet amendement permettra la dissolution du Gouvernement actuel et la nomination d'une personnalité nationale indépendante. La petite constitution actuelle ne permet de désigner à la tête du Gouvernement qu'un homme proposé par le premier parti au sein de l'ANC, à savoir Ennahdha. On restera à la même case départ, d'avant le 25 juillet dernier. L'amendement de cette petite Constitution suppose l'accord de la majorité actuelle. Les mouvements et initiatives tout en gesticulation des députés restés au sein de l'ANC, ne laissent pas entrevoir pareille alternative. Ennahdha estime que le Gouvernement doit continuer à exercer tous ses pouvoirs. Des lois à caractère économique et celle de la justice transitionnelle doivent être adoptées, sans oublier le code électoral et l'adoption de la Constitution. De son côté l'opposition, tient à ce que le Gouvernement démissionne immédiatement ou du moins annonce solennellement sa prédisposition à partir. Le pays n'est pas à une semaine près. L'opposition déplore les actions répétées d'Ennahdha pour mettre la main sur les rouages de l'Etat, avec des nominations faites sur la base de l'allégeance politique, la détérioration de la situation sécuritaire, économique et sociale ainsi que l'absence d'horizons politiques clairs qui rassurent opérateurs économiques et partenaires étrangers du pays… Que faire ? Le consensus est la seule voie de salut. C'est plus facile à dire qu'à faire. Selon certains observateurs, ce consensus serait possible à travers des accords secrets entre partenaires politiques. Certains imaginent un Gouvernement parallèle qui pourrait être formé par les partis de l'opposition et qui serait dirigé par une personnalité nationale indépendante. C'est une hypothèse insensée, dans l'état actuel des choses. Dans le cas d'un putsch ou un processus révolutionnaire de longue haleine, cette rocambolesque hypothèse serait envisageable. Ce n'est pas le cas en Tunisie. Non seulement notre armée a toujours été apolitique, la classe politique tunisienne est toujours habitée et guidée par la notion et la conscience légaliste. D'ailleurs, toutes les forces de l'opposition se sont ralliées à la feuille de route proposée par l'Union Générale Tunisienne du Travail (UGTT) qui maintient, dans ses fonctions l'Assemblée Nationale Constituante, la seule source de légitimité dans le pays. Une limitation de la durée et des prérogatives est préconisée. Après la dernière rencontre entre Houcine Abbassi, secrétaire général de l'UGTT et Béji Caïd Essebsi, président du plus fort parti de l'opposition, ce dernier a déclaré que « tous ceux qui ont avancé des propositions sans issue assument la responsabilité de la complication de la crise. L'opposition a fait suffisamment de concessions pour sortir du goulot d'étranglement et aboutir à une solution consensuelle dans l'intérêt de la Patrie ». Il a réitéré l'attachement de son parti à l'initiative de l'UGTT. Cette initiative est devenue la plate-forme mobilisant toutes les sensibilités politiques démocratiques et les composantes de la société civile. La Tunisie doit surmonter très vite la crise économique, le phénomène terroriste, la dégradation de la situation sociale, le chômage et la marginalisation des régions déshéritées. Finira-t-on par trouver un consensus pour sortir le pays de la crise ? Est-ce qu'Ennahdha attend de voir le degré de mobilisation populaire à l'occasion du 40ème jour du décès de Mohmed Brahmi, pour assumer des concessions que Houcine Abbassi qualifie de douloureuses ? L'UGTT a appelé ses adhérents à participer en masse à cette commémoration. Les différentes composantes du Front du Salut promettent de maintenir la pression en augmentant son intensité, par la voie pacifique. Les sit-in se poursuivront. Hamma Hammami, déclarait hier: « nous n'avons d'autres choix que de poursuivre les actions militantes populaires, pacifiques. Elles seront encadrées par des mesures politiques adéquates ».