En politique est-il inconcevable de reconnaître son véritable poids dans les rapports de force ou faut-il jouer indéfiniment la « grenouille » qui veut devenir « bœuf » ! La Fontaine en tout cas, conseille dans ses fables de la sagesse de le faire, faute de quoi c'est la nature qui s'en chargera par l'inévitable sélection naturelle. L'Union pour la Tunisie se pose aujourd'hui l'éternelle question de l'essence et de l'existence. A-t-elle précédé par l'essence, Nida Tounès, qui l'a précédé par l'existence. Un parti quel qu'il soit a-t-il le droit de s'approprier plus de volume qu'il n'en a sur la scène politique réelle parce qu'il fait partie d'une « Union » plus morale, que structurellement institutionnalisée et contraignante ! Comme les astro-physiciens et pour tenter de répondre à la question il faut remonter aux origines du « Big Bang »... qui se situe, à notre avis, au soir du 23 octobre 2011, et qui a vu l'émergence de forces « nouvelles » occultées par les luttes clandestines et secrètes du temps du MIT (Mouvement Islamique Tunisien), en arrivant à la Nahdha et ses dérivés qui vont bien au-delà des frères musulmans d'Egypte. Personne n'attendait un raz de marée aussi tsunamique dans un pays habitué à vivre sans crises majeures, pouvant toucher à l'essence même de son existence à savoir la modération, la tolérance et l'attachement à une identité millénaire et spécifique, où tout s'entrecroise le phénicien, le berbère, le romain, le vandale, l'arabe, l'espagnol, le turque, le français, ainsi que les religions monothéistes toutes respectées et vivant en bonne et heureuse intelligence et cohabitation du juif au chrétien au musulman même les adeptes de la laïcité universaliste. Au soir de ce 23 octobre 2011, fatidique, la Tunisie est entrée de plein pied dans une nouvelle culture « hégémonique » au nom de la religion avec pour objectif pour le court, le moyen et le long terme de changer totalement le modèle social et culturel du pays. Mieux encore, l'irruption au grand jour de « l'Islam politique » avec cette majorité écrasante et ambitieuse, a donné des ailes à la centrale islamiste qui s'est crue investie d'une double mission « divine » et électorale d'accélérer le processus de « réislamisation » de la Tunisie ! Faisons là, une pause pour évaluer les forces en présence, toujours au soir du fameux 23 octobre 2011. Il s'avère que les forces démocratiques dites de gauche, du centre et même libérales et qui étaient encadrées par des partis militants ayant combattu la dictature et payé le prix fort en terme de répression, tout comme la Nahdha, par ailleurs, ont montré malheureusement leurs limites plus qu'affligeantes au niveau des résultats du vote. En bref, le clan démocratique s'est contenté de « miettes » de pouvoir et a dû s'imploser de lui-même en deux parties : La première s'est alliée aux islamistes triomphants dans le cadre de la « Troïka ». La deuxième a préféré rester dans l'opposition, mais avec une représentation pratiquement infime et tout juste symbolique, pour pouvoir réellement peser sur quoi que ce soit dans l'œuvre législative au bulldozer de l'ANC dominée en long et en large par la Nahdha. Voilà le paysage réel qui prévalait quelques heures après la proclamation des résultats des élections. Du coup on s'est mis à se poser quelques questions sur les 1 million 300.000 voix parties en fuméeet qui ont été perdues par les promoteurs de la modernité et de la société civile. C'est là qu'on a compris que la décapitation de la machine destourienne « volée » par le « RCD » du temps de Ben Ali a été à l'origine de ce fiasco électoral. Aucune force, y compris ceux qui se réclamaient de la mouvance destourienne (RCD), n'a pu contrer la montée vertigineuse de la Nahdha naviguant en roue libre sans aucune force d'opposition crédible. Le RCD portait un peu les gênes de la « culpabilité » et les « bourguibiens » dont beaucoup ont été écartés et marginalisés par Ben Ali, ne se sentaient peu ou pas concernés par l'enjeu, un peu comme paralysés et frappés de stupeur de voir comment ils ont été « dépossédés » de leur parti prestigieux le Néo-Destour, auteur de l'indépendance et constructeur de l'Etat national moderne par deux fois du temps de Ben Ali et du temps de la Révolution. Puis, au fil des jours, le « projet » islamiste accélérait la cadence et l'appétit était à son paroxysme. On allait vite en besogne et après avoir dénoncé « les 23 ans de dictature de Ben Ali » on a mis le cap sur le « Bourguibisme » pour parler et faire le procès ouvertement du « despotisme des 60 dernières années » ! Pire encore, l'inquisition et la chasse aux sorcières s'institutionnalisent et s'installent dans les nouveaux mœurs et les nouvelles pratiques de la « nouvelle classe » politique. Un jour c'est la loi sur l'exclusion, un jour c'est l'instance « vérité » et dignité et l'ANC à majorité « islamiste » se faisait plaisir ! Mais... car il y a toujours un « mais » et la politique est l'art humain le moins linéaire et le moins uniforme ! Le « mais », c'est les « accidents » de parcours les traumatismes du fait de cette volonté à « détruire l'ancien » la « modernité », le « bourguibisme » et Bourguiba traité de « francophone » et « laïc » lui qui a toute sa vie combattu la France coloniale et construit des centaines de mosquées nouvelles sans parler de son œuvre éducative monumentale. Puis ce fut le tour des assassinats politiques de feu Lotfi Nagguedh, Chokri Belaïd, Mohamed Brahmi et des attaques contre nos soldats, policiers et gardes nationaux morts par dizaines et mutilés dans leurs corps par le terrorisme aveugle et inhumain. La décomposition de l'ordre ancien s'est accompagnée d'une véritable décomposition de l'Etat lui-même d'autant plus que le corps sécuritaire tunisien jadis très performant, a été frappé au cœur suite à une manipulation encore inavouée mais connue de tous. C'est dans cette ambiance de déstructuration de l'Etat national moderne qui va naître « Nida Tounès » l'appel de la Tunisie une synthèse de tous les patriotismes de gauche, du centre et de droite pour réhabiliter la Tunisie, la sauver de la déchéance et créer un contre-poids efficace performant et crédible, capable au moins dans un premier temps de rééquilibrer le rapport des forces politiques, et d'immuniser l'identité tunisienne contre l'obscurantisme et l'ordre envahissant « oriental » support du terrorisme international, puis remettre à niveau les institutions de l'Etat, son administration et son économie, pour les réamarrer à l'orbite terrestre, celle des nations qui comptent ! (A suivre) K.G