Au cœur des débats, le projet de loi sur le Conseil supérieur de la magistrature suscite encore les réactions les plus vives de la part des membres de la composante civile et ce, dans l'intérêt de la réforme de la Justice conformément aux principes de défense des droits et des libertés consacrées par la Constitution. Cela dit, le tribunal administratif qui a été consulté par la commission de législation au sein de l'ARP, en ce qui concerne l'interprétation du délai d'adoption dudit projet, vient de trancher, conformément à l'article 148 alinéa 5, de la Constitution, soit six mois à compter du 24 novembre 2014, date de proclamation des résultats définitifs des législatives. Le 24 mai prochain est donc une date ultime et butoir, pour la création du nouveau Conseil supérieur de la magistrature. Néanmoins la commission de la législation au sein de l'ARP reste toujours à l'écoute des doléances des membres de la composante civile et notamment toutes les parties prenantes du secteur de la Justice. Alors qu'hier la grève des magistrats était à sa deuxième journée, l'Instance provisoire de l'ordre judicaire a organisé, en collaboration avec le Programme des Nations Unis pour le Développement (PNUD) et le Haut Commissariat des Droits de l'Homme (HCDH), une journée d'information et d'échange afin d'approfondir les réflexions et les discussions autour dudit projet de loi. Différents intervenants du secteur judicaire ont pris part à ce colloque dont des représentants du ministère de la Justice, l'ARP, le Tribunal administratif, la Cour des Comptes, l'Association et le Syndicat des magistrats tunisiens, l'Ordre national des avocats, les médias et des juristes. Soumis par la Commission technique, l'avant projet de loi a été finalisé et transmis au ministre de la Justice, au mois de février puis adopté par le conseil du gouvernement. Il a été ensuite transmis par le gouvernement à l'ARP, au mois de mars 2015, et il est actuellement discuté par la commission de la législation. L'Instance provisoire a jugé utile, à l'instar de plusieurs autres parties prenantes, dont l'association des magistrats ou l'ordre national des avocats, de préparer un projet en 73 articles, par lequel elle propose des solutions en vue d'une meilleure consécration de l'indépendance de la Justice, et d'une plus grande consolidation du pouvoir judiciaire à travers le Conseil supérieur de la magistrature. Prenant la parole pour souhaiter la bienvenue à l'assistance, Khaled Ayari, premier président de la Cour de Cassation, a fait part de sa satisfaction de l'intérêt qui est désormais accordé au pouvoir judicaire afin de consolider sa légitimité et son indépendance, conformément à la Constitution. Cela dit il a déclaré qu'il était tiraillé entre l'obligation de réserve que lui impose sa fonction et l'instinct de juriste qui l'inciterait à donner son avis sur le projet de loi en question, devant la divergence des avis, qui ne peut être que constructive. Prenant le relais, Mohamed Salah Ben Aïssa, ministre de la Justice a fait remarquer, que ledit projet constitue un défi, malgré la polémique que ne cessent de susciter certains de ses articles, lesquels sont parfois en contradiction avec ceux de la Constitution. Il y des articles dans la Constitution qui ne sont pas explicites ou qui donnent matières à différentes interprétations a-t-il ajouté, en précisant que la rédaction des articles juridiques est une science en elle-même, qu'il n'est pas aisé de maîtriser. A titre d'exemple le ministre de la Justice a cité les articles 102 et 103 de la Constitution relatifs au pouvoir judiciaire qui sont explicites. Cependant ceux relatifs au Conseil supérieur de la magistrature présentent une ambiguïté concernant sa compétence et son statut. S'agit-il d'un organe indépendant et pleinement représentatif du pouvoir judiciaire, ou fait-il partie des autres organes judiciaires ? s'est-il demandé, surtout que certains de ces organes relèvent du ministère de la Justice, tels que l'institut supérieur de la magistrature, l'inspection ou le centre des études judicaires. En tout état de cause les domaines touchant à la profession relèvent de la compétence du Conseil. Les contradictions peuvent être discutées en vue d'un compromis qui trancherait dans le sens de l'intérêt de la Justice et du justiciable, a conclu, le ministre de la Justice. Les différents magistrats membres de l'Instance provisoire de l'Ordre judiciaire se sont relayés pour exposer les points proposés par le projet de loi type, présenté à la commission de législation au sein de l'ARP. Ces points concernent notamment la compétence dudit Conseil en vue de garantir le bon fonctionnement de la Justice et la consolidation du pouvoir judicaire et non le pouvoir des juges C'est la raison pour laquelle il doit renfermer toutes les parties prenantes.