« Entre la mythomanie et la mégalomanie, il n'y a que l'épaisseur de la réussite ». .Philippe Bouvard Rached Gannouchi, l'homme aux prestations illimitées, n'a pas cessé de nous étonner. En effet, depuis son retour triomphal de son exil douillet londonien, le big boss d'Ennahdha s'est ingénié à incarner des rôles divers. Tout d'abord, celui de messie, dans lequel il croit exceller et qu'il se plaît, sous la pression des évènements, de le doubler, selon les cas, de ceux du prophète ou de Dieu en personne. Le patron de la centrale islamiste tunisienne s'est vu obligé ensuite, pour défendre l'un des siens, de jouer, tour à tour, au jurisconsulte et au magistrat. Dernièrement, il a surpris tout le monde en affichant sa détermination de jouer au Roi Soleil, feu Louis XIV. Le beau-père de Rafik Bouchlaka est atteint du mal incurable dont souffrait sa majesté Louis XIV, le roi de France. Tous les deux confondent leurs personnes augustes avec l'Etat et la nation réunis. Il est donc normal qu'ils engagent, l'un et l'autre, chaque fois qu'ils prennent la parole, soit l'un ou l'autre, soit les deux réunis. Le Roi Soleil, cela est fort connu, est resté célèbre par cette époustouflante équation : l'Etat, c'est moi ! R. Gannouchi, lui, a été encore plus loin. Le boss islamiste, qui ne répugne pas de jouer au caïd, a pondu dernièrement une équation bien plus renversante : La Tunisie, c'est moi ! Et c'est en sa qualité de seigneur féodal, maître incontesté du fief, qu'il a déclaré dernièrement sans sourciller que la Tunisie est disposée à accorder le droit d'asile aux leaders du mouvement terroriste des Frères musulmans ! M. M. Marzouki, Ali Lareïdh et M. Ben Jaâfar, les vassaux du maître, doivent s'exécuter et exaucer le vœu de leur suzerain. Il leur incombe donc de prendre les dispositions nécessaires pour que le séjour de ces célébrités internationales, sur le sol tunisien, soit le plus agréable possible. Entre autres, ils doivent se hâter de mettre fin aux grotesques chicaneries des trouble-fêtes qui se croient obligés, chaque fois que R. Gannouchi use de son droit de monarque absolu, de hisser bien haut leur bannière d'avocats légalistes. On apprend en effet que quelques vingt cinq têtes brûlées, de la caste turbulente des avocats, a saisi le tribunal administratif pour tenter d'empêcher – ô sacrilège ! – que, sur ordre express de sa sainteté le Messie, le congrès de la secte terroriste des Frères musulmans soit tenu en Tunisie ! Il est grand temps que les avocats, les magistrats, la société civile et le peuple tunisien comprennent, une bonne fois pour toutes qu'il est dans l'ordre des choses qu'un monarque gouverne ses états à sa guise. Sa majesté Louis XIV, dans sa facture tunisienne, n'est pas tenu de plaire à ses sujets. Sa gracieuse majesté gouverne selon son bon plaisir et n'a de compte à rendre à personne, en dehors d'Allah bien entendu. C'est ainsi que R. Gannouchi, qui se plaît à cumuler les rôles de monarque et de magistrat, est revenu dernièrement sur l'affaire scabreuse de son beau-frère pour assurer au juge, qui l'a inculpé pour corruption, qu'il se trompe lourdement et qu'il doit se presser de réparer le préjudice qu'il a cause à cet homme innocent ! Il est grand temps également que les Tunisiens réalisent que le big boss de la centrale islamiste ne joue pas au mégalomane, mais qu'il est véritablement un mégalomane de l'étoffe d'un Néron et d'un Hitler. Si R. Gannouchi se permet de parler au nom de la Tunisie, c'est parce qu'il croit, dur comme fer, que ce pays lui appartient. Sa conviction n'est en rien comparable à la fatuité de son prédécesseur, qui croyait, lui aussi, disposer du pays et de ses habitants. Contrairement à Ben Ali, qui a réduit la Tunisie à une ferme personnelle, R. Gannouchi la tient pour sa terre promise et estime, à ce titre, qu'il est de son droit de bouter tous les intrus hors de son royaume ! Les Tunisiens feraient bien d'être attentifs à ce qui se passe actuellement en Syrie. Ils doivent surtout apprécier, à sa juste valeur, le détermination des jihadistes qui ne reculent devant rien pour gagner du terrain et parvenir à leurs fins. Quand on a la conviction, comme c'est en effet le cas pour R. Gannouchi et ses émules islamistes syriens, qu'on est le lieutenant d'Allah sur terre, on ne lésine pas sur les moyens à utiliser pour imposer la volonté de Dieu aux incrédules et aux mécréants. Sur ce plan, la différence entre R. Gannouchi et les forcenés, qui martyrisent les civils syriens, est une différence de degré et non de nature. Pour le moment, R. Gannouchi n'a qu'un objectif et un seul : métamorphoser l'Etat moderne de Bourguiba, ennemi irréductible de l'islamisme politique, en terre d'asile de tous les islamistes de la terre. Pour ce faire, il est impératif de distraire le parterre pendant que les sbires du boss et leurs hommes de mains, planqués à l'ANC, s'occupent à concocter une constitution sur mesure. Une fois cette mission accomplie, et que le peuple tunisien serait confronté à l'irréparable, R. Gannouchi pourrait dormir sur ses deux oreilles. Plus une voix ne s'élèverait pour contester les lubies et les excès de sa gracieuse majesté. Ce jour-là, le Roi Soleil tunisien pourrait crier du haut des tous les minbars et de toutes les tribunes : La Tunisie, c'est moi ! En attendant, le boss islamiste, qui ne dédaigne pas jouer au caïd, devrait faire l'effort de se rappeler ce proverbe du terroir : Illi yihsib wahdou yofdhollou !