En parlant de l'enseignement privé et de ses différents aspects, il faut, de prime abord, différencier entre les établissements du primaire et ceux du secondaire. Si les premiers sont en train de connaître un essor indéniable, les seconds souffrent d'une image constamment entamée en raison d'une clientèle bien spécifique et d'une administration défaillante sur le plan pédagogique. Les raisons de la réussite
Les écoles libres du primaire fleurissent dans les grandes agglomérations et en particulier dans la capitale. Elles sont en train de répondre aux mutations du tissu social tunisien qui connut, ces dernières années, une évolution radicale avec l'apparition de nouveaux couples empêtrés toute la journée dans les méandres de la vie quotidienne. Les chefs d'établissement ont doté leur école d'un équipement à même de répondre aux besoins du jeune apprenant et de sa famille dont le souci majeur est d'assurer à son enfant un encadrement pédagogique efficace.
«Le système du demi-pensionnat, nous dit un parent d'élève, me convient à merveille puisque je suis dans l'impossibilité de pouvoir récupérer mon fils à midi. En offrant le déjeuner, l'établissement privé se distingue de l'école publique et colle mieux aux préoccupations d'une clientèle exigeante», conclut notre interlocuteur. « Mes enfants, renchérit une mère de famille, passent toute la journée à l'école mais les loisirs occupent une place de choix, ce qui favorise leur épanouissement et permet l'assimilation des leçons dans la joie et la détente».
Certains directeurs d'établissement privé, au niveau du primaire, ont recruté du personnel pédagogique dont la mission constante est d'encadrer les écoliers pendant les heures creuses et de les aider à réviser leurs cours ; ce qui renforce davantage les chances des jeunes apprenants dans l'assimilation et la compréhension. D'ailleurs, un responsable d'une école libre en vogue n'a pas hésité, pour rehausser son établissement, à inclure des cours d'informatique et d'anglais à partir des 2 années de l'enseignement de base. «Il s'agit là, nous dit un parent d'élèves, d'une initiative louable car elle permet aux enfants de s'initier, dès leur jeune âge, à des disciplines d'avenir dispensées tardivement au niveau du public».
A vrai dire, les établissements primaires privés forcent actuellement l'admiration et les maîtres, eux-mêmes, clament leur satisfaction. «Je travaille, insiste un enseignant dans une école de base, dans des conditions favorables puisque le nombre d'élèves dans une classe ne dépasse pas la vingtaine et l'administration ne lésine pas sur les moyens pour fournir tous les supports pédagogiques susceptibles de faciliter l'apprentissage», conclut notre vis-à-vis.
Une mentalité affairiste
Concernant les écoles libres du secondaire, si quelques institutions émergent du lot, la plupart, malheureusement, dispensent un enseignement au rabais et dégagent une atmosphère délétère qui s'aggrave au fil des années. L'aspect social de l'établissement éducationnel a été relégué au second plan par certains directeurs dont le souci permanent est devenu l'enrichissement immédiat. Le projet est de nos jours ouvertement commercial puisque la plupart des promoteurs des écoles privées du secondaire rechignent à engager des professeurs réputés compétents et coûteux préférant, au risque de léser les élèves, s'adresser à des étudiants en phase finale de leur cursus universitaire. «Ceux-ci, nous dit un enseignant proche de la retraite, ne sont pas en mesure de négocier convenablement leurs honoraires car l'essentiel pour eux est de financer leurs études».
Pour des raisons purement pécuniaires, les établissements désireux d'installer une discipline rigoureuse sont pénalisés lorsque les écoles concurrentes récupèrent les élèves renvoyés en raison de leur niveau ou d'une entorse aux règlements. «C'est là où la Chambre nationale de l'enseignement privé se doit d'intervenir pour imposer une concertation commune à tous chefs d'établissement et rétablir la déontologie du métier», nous dit un ancien directeur.
Une situation à assainir
Pour réhabiliter les institutions privées du secondaire, les directeurs doivent tout d'abord sélectionner leur clientèle, renouveler l'équipement vétuste et réinstaller le souci pédagogique au cur de l'entreprise éducative. Si l'infrastructure -laboratoire, terrain de sport, cadre spatial- laisse à désirer, les élèves et le cadre enseignant seront constamment démotivés, ce qui entame, bien entendu, le crédit de l'école et sa raison d'être. «L'atmosphère au sein de l'établissement, insiste un responsable d'un des lycées privés les plus prisés de la capitale, doit être sereine et les rapports avec les collègues enseignants fondés sur le respect mutuel dénués de tout esprit marchand».
Il est tout à fait clair que la tâche des promoteurs des écoles primaires est facilitée par tout un contexte sociologique ; les familles ont choisi volontairement ces institutions alors qu'au secondaire, la clientèle est rescapée des lycées publics dont le niveau d'encadrement pédagogique et disciplinaire demeure satisfaisant en comparaison avec ceux du secteur privé. Cela dit, pour assainir la situation, les pouvoirs publics doivent revoir les cahiers de charges fixant les règles de création et de fonctionnement des établissements privés afin de réinsérer l'aspect pédagogique au sein d'un projet dont l'objectif ultime demeure la promotion de l'espoir chez les jeunes générations.