«Être... Monde», une exposition regroupant l'ensemble des dernières œuvres de l'artiste peintre Mohamed Chelbi à la Maison des arts du Belvédère, jusqu'au 17 décembre Dès la seconde où l'on pénètre, les toiles de Mohamed Chelbi vous donnent l'impression de vous être égarés dans un drôle de rêve, dans un cauchemar éveillé où se disputent des figures fantasmagoriques ou humaines dégénérées. D'emblée, le peintre nous immerge dans un monde cauchemardesque, diabolique et crépusculaire, post-apocalyptique. Autant de créatures diaboliques qu'il a convoquées, dévoilant leurs vrais visages, leur vraie nature. A travers ses portraits mi-humains, mi-bestioles ou animaux qui se dressent dans un paysage sombre et vénéneux, il nous donne l'occasion de regarder la bête en face. Une tête sans yeux, signe d'une humanité aveugle, une autre sans aspect ni traits, témoigne de l'effacement des émotions qui cèdent le pas à la froideur et au vide régnant sur le monde. Aucune douceur n'est désormais possible : que des visages qui nous guettent de partout, dans la salle, on se sent vite piégés par ces toiles qui nous encerclent et dont le regard, même si parfois inexistant, nous intrigue, nous secoue et nous perturbe. D'étranges créatures, des visages de clowns peints sur un ensemble de chaises faisant un cercle autour d'une table, tout un univers fantomatique, voire hallucinant fait de figures irréelles qui animent le fond des toiles et nous renvoient l'image d'un monde hypocrite, opportuniste, un monde vampirique et sanguinaire. Ne craignant ni la profusion des valeurs, ni les puissances sourdes du chaos, Mohamed Chelbi embrasse une masse inouïe d'irréalisme «réel», d'expressionisme «impartial» et d'audaces graphiques et pittoresques étonnantes. Sa peinture âpre, sombre et mystérieuse, aux envolées irréalistes est au cœur même de la réalité du monde, de l'actualité nationale et internationale. Son sens de l'observation lui a permis de s'affranchir des règles habituellement tracées et de se forger un style personnel et singulier. Les personnages déformés, les têtes cabossées et les créatures clownesques qu'il peint ne sont sans doute que le reflet très imparfait des âmes responsables du mal et du chaos dans ce monde. Un raz-de-marée de créatures monstrueuses, des matières organiques émergeant comme d'une sorte de lave d'un volcan et tout un panel d'éléments morbides attire le regard sur la noirceur, le ridicule et les heurts de nos sociétés. Une exposition qui invite à la réflexion et qui vaut absolument le détour.