Hélas, l'été, qui incarne la belle saison, nous quitte paisiblement et dans une grande sérénité; il n'a pas été étouffant, malgré les quelques jours de chaleur torride. L'automne est là pour prendre la relève, dans deux jours ; mais il n'affectera en rien l'agenda de nos divas ; elles ont appris de leurs mères que rien ne peut entraver celles qui veulent aller vite en besogne, même par temps capricieux. Leurs mères ne profitaient-elles pas des journées torrides de l'automne pour parachever l'œuvre entamée en été ? L'automne est aussi une belle saison mais changeante et quelque peu boudeuse. C'est dans une logique de tiraillement et aussi avec un esprit d'ardeur et d'espérance que nous allons à la rencontre de notre neuvième diva (elles se font nombreuses nos divas !). Elle est aussi attachante que celles qui l'ont précédée ; son nom évoque la grâce et la séduction : Ghazala c'est le prénom que ses parents lui ont choisi quand ils ont découvert sa belle allure à sa naissance. Ghazala est touchée par la grâce divine, elle a vu le jour sur une terre bénite, celle qui a engendré notre diva nationale Saliha ; c'est dans le petit village du côté du Kef, Dechret Nebber, qu'elle est née il y a cinquante- huit ans. Orpheline de mère et de père à l'âge de huit ans, elle fut adoptée par son oncle paternel résidant à Tunis. Comme Saliha, elle a passé sa jeunesse dans une ambiance pleine de gaieté et de bon vivre; Bab Laâssal où vivait son oncle se terminait par des rues passantes et commerçantes. Ghazala a appris à apprécier les bonnes choses et à perpétuer le bon goût. Puis un coup de chance, qui n'arrive qu'avec une extrême rareté, Ghazala a été engagée pour officier dans le Club Tahar-Hadad, où elle continue à pourvoir les fidèles du club de ses largesses qui perdurent depuis voilà trente ans. Celles et ceux qui s'adonnent à de longues séances de dégustation à gorgées pleines du thé du club, ne savent-ils pas que sa grande saveur est due à l'ingéniosité de Ghazala. C'est elle qui dès le début d'aoussou commence à préparer l'ingrédient qui lui procure sa superbe volupté, la menthe (naânaâ). Ghazala n'utilise jamais la menthe cultivée hors de sa saison habituelle, l'été, elle attend que les variétés baâli qui veut dire pas ou peu irriguées fleurissent pour en faire des provisions pour l'année. C'est à ce moment qu'elle achète sa menthe, elle la choisit brillante, fleurie sentant bon de loin et de près surtout qu'elle froisse légèrement les feuilles qui doivent être bien petites et bien odorantes. Elle suspend les bottes destinées à parfumer le thé de Tahar Haddad dans un endroit sombre et aéré. Le reste elle le divise en brindilles qu'elle conserve en des pots en verre, pour les effeuilleter en cas de besoin et les pulvériser sur les mets auxquels elles sont associées. Ghazala, en digne disciple de Tahar Haddad, concrétise son rêve de voir les femmes pousser au plus haut leur pouvoir de création capable de charmer vieux et jeunes à la fois.