Par Moncef GUEN Le gouvernement est en train de préparer une révision des textes régissant les encouragements aux investissements. Ces textes nécessitent, en effet, une révision dans le contexte actuel post-révolutionnaire. Cependant, il est important de noter que l'on ne peut procéder à une telle révision que si elle est placée dans un contexte plus général d'une réforme de la fiscalité des entreprises et même plus généralement encore dans le cadre d'un nouveau modèle de développement. Les textes en vigueur ont été conçus dans le cadre du modèle obsolète de l'ancien régime. Ils créent une double dichotomie entre l'offshore et l'on shore d'une part et entre la zone côtière et l'hinterland, d'autre part. Il va sans dire que cette double dichotomie ne sert pas l'économie nationale qui est une et indivisible. Elle a abouti avec le temps à un tassement des investissements privés, preuve indéniable que ces textes servaient des intérêts spécifiques et non l'économie nationale. Des avantages énormes ont été donnés aux industries d'exportation qui se composent essentiellement d'activités de sous-traitance d'entreprises principalement européennes. Si bien que lorsque celles-ci sont en difficulté comme c'est le cas depuis 2008, ces activités deviennent malades. De plus, les sous-produits fabriqués n'ont qu'une valeur ajoutée modeste, étant surtout des pièces de rechange ou des composants simples. Ces avantages, qui vont jusqu'au dégrèvement total sur 20 ans, sont également accordés aux entreprises touristiques. Dans le même temps, le secteur on shore est soumis à une fiscalité dure s'il ne bénéficie pas de quelques maigres avantages tels que la déduction des bénéfices réinvestis à concurrence de 35% sous réserve du minimum d'impôt. Le taux de l'impôt sur les sociétés (IS) est de 30% et il monte à 35% pour les entreprises financières. Etant donné l'attractivité de la frange côtière qui est dotée des infrastructures portuaires, aéroportuaires, ferroviaires, routières et énergétiques, la plupart des activités se sont installées sur cette frange laissant les trois-quarts du pays dans le dénuement total et le chômage endémique des jeunes. Ce modèle doit être enterré. Il nous faut un nouveau modèle qui axe l'investissement sur la production de biens et services à haute valeur ajoutée et à contenu technologique élevé. Ce qui permettra d'accélérer la croissance économique et d'ouvrir des horizons aux jeunes diplômés actuellement au chômage. Il nous faut créer les infrastructures nécessaires au développement dans les régions laissées jusqu'ici pour compte. Il nous faut développer, moderniser et diversifier notre agriculture non seulement pour nourrir notre population mais aussi pour exporter et fournir la base d'industries agroalimentaires et biologiques de pointe. Il nous faut adapter notre système éducatif à ces exigences technologiques et professionnelles nouvelles. Dans le cadre de ce nouveau modèle, il est indispensable de revoir notre fiscalité, notamment la fiscalité des sociétés. Le taux de l'IS devrait être réduit à 10% et celui des entreprises coopératives, artisanales, agricoles et de pêche réduit à 5%. Une telle réduction de la fiscalité générale des entreprises permettrait deux grands progrès : une attractivité globale de notre pays sur la scène internationale (regardez un pays comme l'Irlande, par exemple) et un encouragement effectif à tous les investisseurs nationaux et étrangers sans recourir aux incitations particulières, souvent synonymes de tentative de corruption. Quant aux avantages particuliers, il faudrait les graduer selon le degré de progrès technologique de l'investissement : une usine de clous ne peut pas avoir les mêmes avantages qu'une usine de médicaments ou de téléviseurs ou de logiciels informatiques. Il faudrait aussi les graduer selon les régions jusqu'ici laissées pour compte. Ces avantages devraient concerner non seulement l'IS mais aussi les droits de douane et la TVA sur des périodes limitées. Il est essentiel également de ne pas oublier que les avantages fiscaux et douaniers constituent des dépenses fiscales. C'est comme si l'Etat les avait prélevés et auraient octroyé des subventions à ces entreprises. C'est pourquoi, ils devraient faire l'objet d'un suivi constant par une unité spécialisée au sein du ministère des Finances afin de déterminer si l'entreprise privilégiée a tenu ses engagements d'investissement, d'emploi, de gain en devises. Il ne faudrait pas que ces avantages soient des marchés de dupes dans lequel l'argent des contribuables est inutilement gaspillé. Les règles du jeu doivent être très claires.