Et un et deux et trois‑! le célèbre refrain de l'équipe de France aurait pu être repris à Kassar-Saïd, avec l'exploit réussi par le Haras Meddeb, double lauréat du Grand Prix du Président de la République et du Grand Prix du 7-Novembre, avec en prime les trois premières places. Du jamais vu de mémoire de turfiste‑! Comment interpréter cette domination outrageuse de la casaque «sang et or»‑? Les chevaux du Haras Meddeb étaient-ils nettement supérieurs aux autres ou les concurrents n'avaient pas de moyens à leur opposer‑? Plusieurs personnes m'ont interpellé à ce sujet. Pour nous turfistes, les moments d'évidence et de plénitude sont rares. Nous cultivons plutôt le doute‑! En guise de réponse, voici mon analyse. Côté pur-sang anglais, l'effectif est depuis une dizaine d'années en nette régression, du fait du nombre réduit d'éleveurs et des exportations massives vers la Lybie. Une trentaine de naissances par an, dont seulement la moitié entame une carrière de course. Voilà deux années que l'on voit des courses à un partant ! Sur les sept chevaux engagés dans le derby, quatre appartenaient au Haras Meddeb, notamment les vainqueurs des Prix d'Essai et leurs dauphins. Premier Sens a remporté avec autorité l'épreuve devant Sens Unique et Enerramo. Si Saragota n'avait pas été sacrifiée pour jouer à l'éclaireur, elle aurait sans doute terminée à la quatrième place. Côté pur-sang arabes, l'effectif est beaucoup plus important (plus de trois cents naissances par an ) et de ce fait la concurrence est plus vive. Le Haras Meddeb disposait cette année d'une cuvée exceptionnelle, avec quatre à cinq sujets aux qualités certaines : Zed Errakeb invaincu en 4 sorties, Zahir auteur de 5 victoires consécutives, Zahek, Zayyek gagnants et placés à plusieurs reprises. Depuis cet hiver, tous les professionnels s'accordaient à dire que le Haras Meddeb allait faire une razzia… Donc cette domination de ses représentants dans le Grand Prix du Président de la République est des plus logiques. Reste que les adversaires, dont certains avaient affiché ces dernières semaines un net regain de forme et des progrès sensibles, ont plutôt déçu, en se limitant à de la figuration. Zahir a causé une belle impression en galopant en 2'26'' 9/10. Mais il est loin des 2'22'' 2/10, un chrono phénoménal réalisé par Ouaad (Sour et Harim) à l'occasion du Grand Prix de l'Agriculture (2006), sur une piste très roulante, puis que le jour même Raâfet El Hajjam (Hajjam et Iddaouha) était crédité dans une autre épreuve de 2'22''8/10. L'année suivante, Ouaâd a couru en 2'24''2/10. A titre indicatif, le champion libyen Aramadi (Kerballa et Jazia de Baleiet) a remporté le Grand Prix de Carthage (2008) en 2'26''9/10. Comme nous l'avons souligné, l'étalon français Darike est sorti grandi de cette prestigieuse épreuve, étant le géniteur du premier, du troisième et du quatrième. Il faut souligner qu'il est d'origine franco-tunisienne, puisqu'il est issu de Dormane et Malika Fontenay, une petite fille de l'ex-Magnan : Besbès ( Esmet Ali) et de In Chaâllah (Madani), des origines tunisiennes exportées en France. L'ouverture de notre Stud book depuis une dizaine d'années a modifié la morphologie de nos pur-sang arabes. Ils se sont éloignés du modèle originel du pur-sang arabe, au grand dam des puristes, mais ils ont gagné en taille, en gabarit, en musculature, en robustesse. Ils sont devenus des athlètes de haute compétition. Taki en est le plus bel exemple. Je suis convaincu que nos jeunes champions actuels, issus également de croisements franco-tunisiens: les Taki, Tyn, Tiraz, Zahir, Zed Errakeb… devraient réussir à leur tour comme étalons et réduire les importations massives de paillettes congelées. Un retour aux sources bénéfique pour l'ensemble de nos éleveurs.