Nous vivons aujourd'hui une période trouble, confuse, marquée par les divisions, l'exclusion et l'animosité. Le principal souci de nos dirigeants, auquel ils se raccrochent comme si c'était la dernière chose à faire si la fin du monde était annoncée, c'est une loi qui interdirait à certains de se présenter aux élections. En Egypte, c'est pire. La division de la population a créé un fossé qui sera difficile à combler, même après plusieurs années. Quant à la Syrie, ils sont là-bas carrément dans une politique de mutuelle extermination. Au milieu de toute cette ébullition, soudainement, alors que personne ne l'attendait, un homme s'est dressé seul, simplement, modestement, et a donné un message d'amour, de compassion et de solidarité. Le pape François est venu presque seul, il a emprunté une vieille Fiat à un pêcheur local, a fait fabriquer un pupitre et une croix avec les bouts de bois d'une barque naufragée et a prié pour nous, les Tunisiens, ainsi que pour nos frères Africains, tous disparus en mer alors qu'ils voulaient atteindre l'île de Lampedusa. C'était le premier déplacement officiel de sa Sainteté et il l'a fait pour être avec nos frères, ceux qui sont démunis, ceux qui souffrent. N'oublions pas qu'ils sont 8000 tous les ans et qu'en 2012 seulement, 500 ont disparu en mer. Quelle belle leçon d'humanité et de fraternité. Pouvions-nous imaginer plus de générosité, de bonté chez celui qui, en faisant cela, allait affronter toute l'opinion publique européenne, profondément hostile à l'émigration clandestine. Malgré cela, et ne répondant qu'à sa conscience, le pape a fustigé l'Europe pour son indifférence et son insensibilité à la souffrance d'autrui. Il lui a reproché son égoïsme motivé uniquement par la culture du bien-être et a comparé le drame de nos compatriotes à une épine dans son cœur. Ces pauvres gens cherchaient un avenir meilleur et ils n'ont rencontré que la mort, ils cherchaient la paix et la sérénité et n'ont rencontré que le désastre. Le Pape a voulu réveiller les consciences et mettre les hommes devant leur responsabilité. Pour lui répondre, ne devons-nous pas, nous aussi, faire notre autocritique ? Car qui donc a laissé ces gens en arriver à ces extrémités, qui donc les a abandonnés au point qu'ils acceptent le risque de mourir pour une quête de dignité ? Le pape nous montre le chemin et nous invite à « une responsabilité fraternelle». Cela ne touche pas seulement les émigrants clandestins, mais tous les Tunisiens. Nous avons effectivement un devoir de responsabilité fraternelle envers tous nos concitoyens, sans division, sans exclusion, sans rancœur.