Par Ilia TAKTAK KALLEL (Université de La Manouba) Signe des temps, signes de la mondialisation qui a uniformisé les modes de vie sur un modèle qui favorise l'accroissement de l'obésité et de la sédentarité. Ce qu'il convient tout à fait d'appeler aujourd'hui un fléau, le diabète, lui-même calqué sur le problème de prévalence de l'obésité, est largement attribuable au mode de vie actuel : rapidité (synonyme de fast-food et de malbouffe), stress et sédentarité. C'est ainsi que l'amélioration des conditions de vie de nos concitoyens semble être paradoxalement l'un des facteurs les plus à même d'expliquer ces maladies dites « modernes ». Du reste, la prévalence du diabète connaît une forte augmentation dans tous les pays du monde, et notamment dans les pays en développement, et dans les populations défavorisées des pays industrialisés. Notre pays n'est pas épargné par le phénomène : le diabète est devenu un véritable fléau qui ronge la santé des adultes, mais également des jeunes (enfants et adolescents) tunisiens. La Tunisie est d'ailleurs aujourd'hui classée parmi les pays à plus haute prévalence du diabète de type 2, un diabète à l'intersection entre une prédisposition génétique et un environnement particulier qui la révèle (y compris les comportements, les habitudes alimentaires et les modes de vie sédentarisés à l'extrême, mécanisation et hautes technologies aidant). Il s'agit donc là d'un problème de santé publique et non des moindres: des études récentes montrent que plus de 10 % de la population est diabétique, et qu'environ 10% des diabétiques sont des jeunes gens. On observe, néanmoins, de grandes disparités entre régions, la capitale et le Centre-Est remportant le triste trophée en matière de croissance du nombre de diabétiques. Les milieux ruraux seraient ainsi plus épargnés que les milieux urbains. Par ailleurs, les femmes seraient nettement plus touchées par le diabète. On peut imaginer les conséquences sociales, financières et humaines de ce fléau. S'agissant des charges sanitaires, économiques et sociales, l'OMS estime que les soins de santé liés à la maladie peuvent représenter jusqu'à 15% du budget annuel des soins de santé dans les pays en développement. Certes, les autorités sanitaires publiques ont lancé depuis le début des années 90 des programmes pionniers de lutte et de prévention qui ont été progressivement généralisés à tout le pays. Or, il est légitime d'invoquer ici une responsabilité sociétale des entreprises du secteur : elles ont un rôle fondamental à jouer pour éduquer et inculquer des habitudes alimentaires saines et équilibrées, et non pas nous enfoncer dans des addictions de plus en lourdes et irréversibles dans les sucreries. A cet effet, on ne peut que constater le renforcement de cette tendance, et encore plus en temps de crise où certains industriels se rabattent sur les additifs sucrés de toutes sortes pour compenser l'absence ou le manque de saveurs plus recherchées et plus onéreuses ! On ne peut également que déplorer le comportement de certaines firmes étrangères qui, en arrivant sur le marché tunisien et en constatant ce bombardement de sucré, tombent dans la facilité et s'alignent sur les saveurs édulcorées (mais peut-on encore parler de saveurs ?) disponibles sur le marché, forcément plus bon marché. Le fin gourmet constatera que tout — ou presque — y passe maintenant : sodas, eaux parfumées, jus, confitures et miels, pâtisseries et gâteaux tunisiens, chocolats, et même beaucoup de mets salés. Comment analyser la réceptivité passive de nos concitoyens face à ce phénomène ? Les enfants sont-ils devenus à ce point les prescripteurs d'opinions de leurs parents, les campagnes publicitaires aidant ? En tout cas, à l'approche du mois de Ramadan —chaque année de plus en plus synonyme de déchaînements consuméristes en sucreries —, il n'est pas inutile de pointer du doigt les méfaits sur la santé, les bourses et le bien-être psychologique de tels abus. A part cela, à tous ceux qui ne se sentent pas concernés par la question parce que la nature les a — génétiquement — épargnés de telles misères, il convient de poser quand même la question du goût, des saveurs et du raffinement .