Le dernier mouvement des magistrats continue à susciter les controverses les plus diverses de la part des gens de Justice, dont notamment l'Observatoire tunisien de l'indépendance de la Justice (OTIM) et l'Association des magistrats tunisiens (AMT) lesquels considèrent que l'Instance provisoire de l'ordre judiciaire, n'a pas appliqué les critères nécessaires de manière objective, en procédant notamment à des mutations « sous la pression ». La première présidente du tribunal de première instance de Tunis, ainsi que le procureur du même tribunal ont été mutés selon l'OTIM, sans critères objectifs et sérieux. A titre d'exemple Raoudha Karafi présidente de l'AMT cite parmi ces critères, l'ancienneté et la nécessité de service, qui n'ont pas été appliquées dit-elle, pour certains magistrats bénéficiant d'une ancienneté de 13 ans d'activité, et qui devaient donc monter en grade. Alors que d'autres magistrats ont bénéficié de certains avantages au cours de ce dernier mouvement, sans répondre au critère d'ancienneté requis. Elle appelle par la même les magistrats lésés à formuler opposition, suivant la procédure légale, c'est-à-dire en formulant une action auprès de l'Instance provisoire de l'ordre judiciaire, après parution du mouvement des magistrats au journal officiel, et dans les délais requis bien entendu. En réponse à ces critiques un point de presse a été organisé hier par l'Instance provisoire de l'ordre judiciaire, afin d'apporter des éclaircissements sur ces points que le citoyen n'est pas censé connaître, battant en brèche certaines affirmations que les membres de l'Instance ont jugé gratuites et non fondées. Khaled Ayari premier président de la Cour de cassation, et président de ladite Instance a surtout expliqué que « le mouvement des magistrats répond nécessairement à des données liées à leur évolution dans les trois grades prévus dans l'échelle de la fonction. La nomination à tous les postes doit infailliblement être conforme à ces trois grades, en vertu du décret 436 du 21 septembre 1973. L'évolution dans cette échelle doit être automatique. La création de certains tribunaux tels que les deux Cours d'appel à Kasserine et à Sidi Bouzid) a incité à une meilleure répartition des magistrats dans ces tribunaux ainsi que dans d'autres tribunaux, en fonction des besoins et du volume de travail dans les régions. Ce qui a arrangé plusieurs magistrats et a permis par là même de mieux rapprocher le citoyen de la Justice ». Par ailleurs les membres de l'Instance étaient unanimes à affirmer que celle-ci œuvre à chaque mouvement des magistrats et ce, depuis les deux années judiciaires écoulées (2013-2014 et 2014 2015), à mieux consolider l'indépendance de la magistrature. l'Association des magistrats avait dans un communiqué dénoncé « l'absence de transparence notamment concernant la nomination des grands pontifes de la magistrature à savoir, le premier président du tribunal de première instance de Tunis, le premier vice-président du même tribunal, le premier président du tribunal de la Manouba, le procureur de la République auprès du même tribunal, le premier président de la Cour d'appel de Nabeul, l'avocat général auprès de la Cour d'appel de Bizerte et l'avocat général auprès de la Cour d'appel de Médenine, ainsi que les présidents des tribunaux de Bizerte, Nabeul, Monastir, Mahdia, Siliana et Tozeur, et les procureurs de la République aux tribunaux de Bizerte , Nabeul, Sousse,2, Mahdia, Kairouan, Sidi Bouzid, Gafsa et Gabès ». Sur ce point le président de l'Instance a précisé que « les magistrats sont désignés dans les différentes fonctions suivant leur compétence. Des fichiers d'évaluation des magistrats sont établis au sein de chaque tribunal par leurs chefs de tutelle. Mais ces fichiers ne constituent que l'un des indices selon lesquels les magistrats sont désignés, surtout dans des postes de responsabilité, tels que celui de procureur de la République ou de premier président du tribunal de première instance. Il y a la compétence et la nécessité de service qui entrent en ligne de compte. Certes, l'Instance est consciente de la gêne que supportent certains magistrats, mais il n'y a aucune décision qui est prise en dehors de ces critères et des impératifs qui nous obligent à prendre les décisions les plus adéquates en dehors de tout autre critère subjectif. Par ailleurs la décision de mettre fin au poste de responsabilité pour un magistrat n'est pas nécessairement prise par mesure disciplinaire. Elle peut être le résultat d'une adéquation entre la compétence du magistrat et la bonne marche du service. Il n'y a aucune pression à prendre telle ou telle décision de nomination. Ces allégations prétendues sont dénuées de tout fondement ». L'objectif est selon le président de l'Instance, dans le but d'avoir une meilleure Justice, avec des magistrats compétents et indépendants, dans l'intérêt du justiciable et le respect des principes des droits et des libertés consacrés par la Constitution. Quoi qu'il en soit l'Instance de l'Ordre judiciaire est appelé à céder sa place au Conseil supérieur de la magistrature, dont la loi portant création a été définitivement adoptée par l'ARP. Elle aura toutefois contribué à jeter un pavé sur la voie d'une meilleure Justice.