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Entretien avec Narjess Babay, responsable de communication à Afek Tounes « Nous avons envie de réconcilier le citoyen avec la politique »
Publié dans L'expert le 09 - 06 - 2014

Cette semaine, le journal « l'Expert » est allé à la rencontre de Narjess Babay, qui est la responsable communicationnelle du parti Afek Tounes. Avec elle nous, abordons la vision d'un jeune parti comme le sien dans le paysage politique tunisien ainsi que sa lecture des choses. Elle ne part pas par quatre chemins pour faire comprendre que l'objectif principal de son parti en ce moment consiste à vouloir réconcilier le citoyen tunisien avec la politique. Egalement, en spécialiste de la communication qu'elle est, nous faisons une analyse de la communication des hommes politiques en Tunisie, la place des spins doctors dans un contexte tunisien, ces spécialistes de la communication qui se cachent toujours derrière des personnalités politiques, mais aussi le rôle que doivent jouer les médias dans une démocratie naissante et un pays en pleine reconstruction comme la Tunisie.
L'Expert : Quelle est votre lecture personnelle de la situation politique actuelle en Tunisie ?
Narjess Babay : Vous savez, la lecture de la situation dépend étroitement de la nature de chaque personne, moi je suis de nature optimiste, je vois alors plutôt les côtés positifs, quelqu'un d'autre vous dira que c'est vraiment déprimant, que c'est un chaos et qu'on n'avance pas. Pour moi, au contraire, on y trouve malgré tout du positif, tout le monde contribue de là où il est, on doit passer par une telle période d'apprentissage de la participation politique. Si une bonne partie des Tunisiens se sentent plus ou moins perdus, c'est parce que la politique ne se fait pas aujourd'hui autour d'idéologies importantes. Il n'y a pas un fil conducteur dans l'activité politique, surtout dans les nouveaux partis où on a envie de toucher tout le monde et on n'a pas les arguments nécessaires pour avoir de l'affluence souhaitée, ou pour avoir un pourcentage d'adhésion suffisant pour devenir des partis forts qui peuvent faire face aux deux pôles qui se sont déjà constitués. Le parti Ennahdha par exemple s'est construit autour de l'idéologie islamiste, et je pense que c'est ça qui explique le nombre d'adhésions et la facilité avec laquelle il a pu réunir son électorat lors des dernières élections, facilité relative parce qu'il y avait des moyens matériels et humains qui étaient déjà structurés, et la structure, quand elle existe, elle permet de mobiliser facilement les adhérents ou les sympathisants vers des actions et au final vers les urnes. Ma lecture est vraiment positive donc , parce qu'il faut traverser cette étape d'hésitation qui est en même temps une étape d'apprentissage avant de passer à un palier plus stable où les Tunisiens pourraient être un peu plus sereins et commenceraient réellement l'étape de la reconstruction de leur pays.
Quelle différence entre la pratique de la politique d'hier et celle d'aujourd'hui ?
Avant, la pratique de la politique était limitée à une poignée de personnes, elle consistait à travailler avec le système qui était en place. Aujourd'hui, il y a un intérêt plus répandu vers la politique ; il y a beaucoup de maladresses, beaucoup de règlements de compte, parce qu'il y a des gens qui ont touché la politique d'une manière ou d'une autre et qui se remettent sur la scène publique. En Tunisie, c'était beaucoup plus à travers le canal des droits de l'Homme, des ONG internationales, des organismes qui soutenaient des personnes qui militaient pour toutes ces causes là et qui étaient plus ou moins proches au quotidien des pratiques de la politique. Aujourd'hui, les choses ont changé et la porte de la politique s'ouvre à tous ceux qui souhaitent s'y intéresser et s'y impliquer. Le danger demeure néanmoins dans l'idée que le citoyen se fait de la politique qui est souvent négative , vu toutes les accumulations du passé et la déception qu'il a eu à travers le comportement de certains politiques sur les plateaux télé, ou même à l'hémicycle de l'ANC. Si nous voulons construire notre modèle démocratique, nous devons commencer par réconcilier le citoyen avec la politique. Quand on voit ces débats chauds et houleux dans les médias qui ne font rien de leur côté pour apaiser l'atmosphère, ca va retentir sur l'adhésion des gens au politique et de là sur le taux d'abstention qu'on va avoir lors des élections.
Qu'est-ce que vous attendez des médias, ou alors qu'est-ce que vous reprochez aux médias dans ce processus ?
On vit une période où il faut que les médias soient plus du côté de la construction démocratique, pas du côté du show et de la course à l'audimat seulement. Ce qu'on voit, c'est qu'il n'y a que le but lucratif qui est en train de primer, on invite des personnages politiques ou pseudo-politiques qui ne sont pas du tout représentatifs de la société tunisienne, on leur donne un espace médiatique en prime time, quitte à ce que le journaliste ridiculise son invité et à travers lui, c'est la compétence de toute la classe politique qui sera mise en doute.
Tenez, par exemple en France en 2002, lorsque le FN (Front national, parti politique de l'extrême droite française, ndlr) est arrivé au deuxième tour des élections présidentielles, les journalistes ont fait leur mea culpa parce qu'ils avaient estimé qu'ils avaient donné un espace trop important à une voix qui est considérée extrémiste et non républicaine, et entre les deux tours ils ont pu canaliser les énergies vers une décision électorale plus recentrée sur Jacques Chirac. C‘est vrai que les médias revendiquent toujours leur objectivité et leur neutralité même si l'expérience prouve qu'il n'y a aucun canal d'information qui soit tout à fait neutre. En effet, on peut toujours orienter un débat où même l'opinion ne serait-ce que par la sélection de l'information qu'on fait passer, rien que cette sélection aboutit à une non neutralité, ce qui est tout à fait normal. Ce n'est pas ça que je leur reproche le plus, mais au moins que cela soit dirigé vers une seule cause, et on en a une de majeure en ce moment qui est la construction démocratique du pays, et de ne plus sombrer de nouveau dans un système où le peuple au même titre que son élite étaient totalement écartés de la décision politique. Le système du parti unique a longtemps fait souffrir les Tunisiens et non seulement sur un plan politique, par le favoritisme et le clientélisme qu'il autorisait, ses retentissements économiques, ses effets néfastes touchaient également les domaines économiques et sociaux, et on s'est retrouvé à la fin avec des régions entières écartées de la roue du développement économique. Les gens ne comprennent pas toujours que plus un parti ou un personnage est important plus les médias ont tendance à lui donner plus d'espace, ce qui correspond au principe de l'équité dans les medias, à l'approche des élections. Ce principe laisse la place à un autre qui est plus à même de permettre aux différents partis politiques de bénéficier d'une certaine égalité quant au temps qui leur est imparti pour s'exprimer et convaincre leur électorat.

Est-ce que vous pensez que les partis politiques communiquent ?
Du moment qu'on fait passer un message, qu'on s'adresse à une cible même si, en politique, je préfère qu'on remplace ce terme par le mot (public) et qu'on adresse un message et même si ce message n'arrive pas en entier, on est considéré en train de communiquer.
D'après vous, ont-ils une stratégie de communication ?
Pas tous, parce que lorsqu'on dit stratégie on parle d'un raisonnement sur une période assez longue pour que la stratégie apporte des résultats, et qu'il y ait une évaluation de ces résultats. On peut aussi parler d'un objectif et avoir une démarche sur une certaine période pour atteindre cet objectif là. Prenons les cas d'Ennahdha parce que je pense que c'est un parti qui est assez structuré par rapport à beaucoup d'autres. Dans ce parti , on sentait que les équipes avaient une stratégie de communication. Elles avaient par exemple dans leur communication ce qu'on appelle le Wording ou des éléments de langage, ces mots qu'on répète sans cesse et dans chaque apparition publique afin de non seulement transmettre une idée mais de tenter de l'ancrer dans les esprits et de la mettre en évidence. On voyait qu'elles avaient des thèmes qui étaient relayés partout. Tenez, par exemple, les « zéros virgule » (les gens qui avaient perdu les élections, ndlr), on voit bien que c'est une expression qui a été inventée par Ennahdha, et même les plus hauts dirigeants de ce parti qui sortaient dans les médias, au lieu de dire les partis démocrates ou les partis qui ont perdu aux élections, ils disaient les partis de zéro virgule. C'est un exemple qui montre à quel point il est important de relayer un message par différents canaux pour le faire passer pour une vérité. Ils avaient aussi cette stratégie de mise à mal de l'adversaire sur les plateaux télévisés et qui était très visible. Les célèbres sourires sarcastiques de certains des leaders de ce parti étaient devenus une « marque de fabrique » , et on voyait bien que ceci s'inscrivait dans une stratégie d'intimidation de l'adversaire. C'était souvent du sur-joué, du surfait mais qui était un outil de déstabilisation de l'adversaire sur les plateaux. Dans le jeu politique, c'est tout à fait autorisé
N'avez-vous pas l'impression que, depuis l'arrivée de ce gouvernement, les partis politiques sont un tout petit peu en berne ?
Oui, c'est tout à fait normal, parce qu'on n'est plus dans la configuration d'un paysage comprenant un parti au pouvoir et une opposition bien identifiée. . Ce qui dynamise le débat politique c'est l'existence d'une opposition forte et là ce n'est point le cas .
Dans une période comme celle-ci, que devraient faire les partis politiques ?
D'abord, s'adresser aux gens en essayant toujours de leur donner une image positive du politique et qu'on arrive à établir cette réconciliation qui mènera le citoyen vers les urnes le jour où il aura à apporter sa contribution à l'instauration d'une démocratie pérenne. Aller aux élections avec un taux d'abstention qui avoisine les 60% est une catastrophe pour une construction démocratique. Et là on parle d'une élection importante, une élection législative dans un pays qui a fait le choix d'être en régime parlementaire. A quel point les gens ont-ils conscience de cette vérité ? Difficile de répondre. Et là, intervient encore le rôle des médias. On notera ici que pour la période qui a précédé la révolution, des médias comme Al Jazzera , Al Arabia ou France 24 en arabe avaient eu un rôle très important dans la mobilisation de la rue aussi bien en Tunisie que dans le reste des pays du Printemps Arabe. Depuis,la prédominance de ces chaines là a été remplacée par un intérêt accru vers des chaines locales qui parlent maintenant de politique, ce qui contribue plus ou moins à faire vivre le secteur en attirant plus d'annonceurs et de pourvoyeurs de fonds d'une manière générale. Aujourd'hui on y parle du quotidien du Tunisien et c'est tant mieux pour tout le monde. Nous nous apprêtons à vivre une période de campagne électorale pour les législatives avec un scrutin de liste et non pas uninominal. Il s'agit de listes de candidats qui s'adresseront à des électeurs locaux qui voient la situation générale du pays à partir d'un prisme local, une conception de la politique à laquelle les Tunisiens ne sont pas vraiment habitués : la politisation des problèmes spécifiques d'un groupe ou d'une région donnée. Les partis politiques doivent se rapprocher par familles politiques et faciliter ainsi au citoyen la visibilité du paysage constitué par ces partis . Lorsque l'on ne comprend pas ce qui se passe ni qui est vraiment en train de jouer quoi sur la scène politique , on s'abstient , on stigmatise et on s'éloigne du politique. On devrait retenir certaines leçons de ce qui s'est passé pendant les élections du 23 octobre et aller plutôt avec des rangs serrés et, en plus de le dire , prouver que c'est l'intérêt du pays qui prime sur l'intérêt des partis.
Un mot au sortir du conseil national de votre parti que vous venez de tenir à Sfax ?
C'est un conseil national de routine pour notre parti qui a lieu tous les deux mois. C'était surtout un conseil national d'élargissement pour avoir de nouveaux membres. Le mot d'ordre a été d'ouvrir un peu plus le conseil qui est la plus haute instance du parti aux femmes dans le but d'atteindre un jour la parité dans sa composition. On a évoqué le sujet des alliances qui est d'actualité dans le milieu politique en cette période pré-électorale. Nous avons également essayé de dissiper le flou concernant notre position du maintien ou pas de l'ANC après le vote de la loi électorale, car nous demeurons convaincus que nos sympathisants ont besoin d'un maximum de clarté pour adhérer à notre projet et nous aider à le propager auprès de notre public prioritaire.
Dans un contexte comme celui-là, qu'est-ce qu'un parti devrait faire, en prenant l'exemple du vôtre ?
Nous avons fait le choix de ne pas faire de la politique politicienne. On ne va pas aller dans une logique de séduction superficielle qui repose sur des discours où il n'y a pas un contenu qui interpelle le citoyen sur des thèmes qui constituent l'essentiel de ses préoccupations quotidiennes, tout en considérant la composante émotionnelle comme étant essentielle pour toucher le citoyen, en reposant sur l'expérience et la sincérité de l'orateur, c'est la technique du « Storytelling » dans une démarche de séduction de l'interlocuteur mais en essayant plutôt de le convaincre et pas seulement de l'influencer. Et là, l'équilibre est très difficile, vu tous les préjugés qu'on a sur les hommes politiques. La limite entre le populisme et la séduction par le discours est très peu mesurable. Nous sommes un parti jeune qui porte un projet et qui y est concentré, qui doit constituer sa communication autour des solutions et de la promesse de les réaliser si toutefois l'occasion nous est donnée pour être aux commandes . Jusque-là on n'a pas encore été au pouvoir , nous ne pouvons faire que des promesses et nous engager à nous en tenir .
Si aujourd'hui votre parti prenait les commandes, quels seraient sa première action, la plus urgente ?
Il y en a plusieurs, mais nous avons une orientation beaucoup plus économique avec un axe social non négligeable. Essayer de rétablir l'équilibre budgétaire, voir ce qui coince au niveau des entrées des devises par exemple en agissant sur le tourisme et sur le volume des exportations . Il y a aussi des problèmes sociaux tels que les entraves à la production minière causées par les conflits sociaux. Ce n'est pas normal de rester en dessous du potentiel de production et souffrir de tout ce manque à gagner en devises depuis plus de trois années. Nous ferons écho à notre projet au delà des frontières et diffuserons un message positif à nos partenaires. On est un parti socio-libéral qui encourage l'initiative privée, on est pour l'allègement des responsabilités de l'Etat qui ne doit pas être un investisseur, mais plutôt s'occuper des secteurs régaliens tels que la santé, l'éducation et le transport. Avec des infrastructures à la hauteur, on n'aurait pas des régions qui soient aussi isolées. On a envie que les gens investissent dans les régions pour que les enfants des régions y restent, y travaillent et y produisent de la richesse S'il n'y a pas d'infrastructures, d'écoles, de lieux de divertissement, les gens se dirigeront vers les zones côtières ou les conditions sont plus supportables ou continueront à se jeter dans la mer et risquer ainsi leur vie.
Quelles sont , selon-vous, les chances de réussite du gouvernement actuel ?
C'est la limite dans le temps qui est une contrainte pour ce gouvernement. Le premier défi qui lui a été assigné c'est de réussir les élections. Mais y réussir sans la collaboration de tous les acteurs politiques y compris l'Assemblée constituante, semble être un objectif pas facile à atteindre. Le temps qu'avait mis l'ANC pour voter la loi électorale en est le meilleur exemple. On est dans une situation précaire économiquement, et il n'y a qu'un gouvernement stable qui peut assumer pendant au moins la période de 5 ans la responsabilité d'entreprendre des réformes et des travaux de fond pouvant nous conduire enfin vers un palier de stabilité.
Faisons un petit détour de l'autre côté avec les élections européennes. Qu'est-ce que vous pensez de cette montée europhobe, notamment le score du Front national en France ?
La classe politique s'est affaiblie parce que, quand on voit les deux pôles principaux qui n'arrêtent pas de s'auto-fustiger, de se donner à la tâche de rabaisser sans cesse l'image de l'autre, c'est l'image du politique en général qui en est affectée. On se rappelle de ce qui s'est passé le long du mois de décembre dernier au sein de l'UMP, le premier parti de l'opposition en France où le conflit Fillon-Coppé avait fait la une de tous les médias pendant plusieurs semaines. Quand on voit toute cette négativité transmise via les médias, ce sont les extrêmes qui en profitent, notamment Marine Le Pen et son discours identitaire qui pousse à un repli identitaire pour le citoyen français qui estime que la France a beaucoup perdu dans son adhésion à l'Europe et notamment au moment du passage du franc à l'euro qui avait affecté le pouvoir d'achat du Français à faible revenu et même de la classe moyenne d'une façon générale. Marine Le Pen a joué sur ces axes émotionnels et identitaires qui sont une tendance générale en Europe. C'est face à l'échec des politiques classiques qu'on voit émerger les extrêmes.
Du 14 janvier à ce jour, quelles avancées pour la Tunisie ?
La démocratie ce n'est pas seulement l'organisation d'élections transparentes, c'est également avoir des médias libres et indépendants et une opposition forte qui peut s'exprimer librement à travers ces médias. C'est aussi une société civile importante qui joue un rôle de veille permanente, et c'est bien sur une justice indépendante traitant d'une manière égale tous les citoyens, ceci étant sur un plan politique où je pense que le combat n'est pas encore fini et où les différents fondements que nous venons de citer peinent à être définitivement instaurés.
Sur le plan économique, on doit tout faire pour rester attractif, aussi bien pour les Tunisiens pour qu'ils restent dans le pays que pour les étrangers. On a une position géographique très stratégique, on n'a pas envie d'être uniquement un pays de transit, on a également envie d'attirer les investisseurs, d'avoir un tourisme de qualité. On a envie de jouer vraiment le rôle de pont entre l'Afrique avec tout son potentiel qui n'est pas encore exploité et qui va constituer l'un des marchés les plus importants pour l'avenir, et l'Europe vieillissante qui essaie aussi de rester dans la conquête de la rive sud de la Méditerranée.
Un mot sur la communication des hommes politiques tunisiens
On revient toujours à cette dualité entre enjeu présidentiel et enjeu législatif. L'envergure d'un homme politique qui sera président de tous les Tunisiens doit être construite dans la capacité à pouvoir réconcilier tout le monde, ce ne doit pas être un homme de parti, quelqu'un qui ne cesse de s'exprimer pour défendre les intérêts de ses partisans. Vu ses prérogatives, il n'a d'autres choix que d'être quelqu'un d'unificateur, quelqu'un qui transmet un message de consensus, de paix, de sérénité, d'espoir, qui puisse représenter la Tunisie de la meilleure manière à l'étranger. Quand on voit ce qu'est en train de faire notre président actuel qui est dans une communication pas du tout mesurée, pas du tout contrôlée, très impulsive, on peut vraiment espérer mieux pour l'avenir.
On est habitué à voir derrière tous ces hommes politiques des experts ou conseillers en communication, cela existe-t-il en Tunisie ?
Cela a bien existé même du temps de l'ancien régime, Abdelwahab Abdallah avait joué un peu ce rôle là et l'ATCE était l'organe qui s'occupait de soigner l'image du président et du pays en général à l'étranger et auprès des instances internationales ayant un œil sur ce qui pouvait se passer comme violations des droits de l'homme et autres abus .Une agence de communication parisienne a pendant des années assuré l'encadrement en communication de l'équipe dirigeante de l'époque. Après la révolution, la place des conseillers en communication était forcement plus grande vu l'importance de l'enjeu électoral et l'absence d'études sérieuses du profil électoral du Tunisien. Je ne connais pas les coulisses de tous les partis politiques, ni de tous les hommes politiques, mais en général les hommes politiques ont une personnalité assez forte quoi qu'on dise. On pense qu'ils sont manipulés derrière par des spins doctors, mais ils ont toujours leurs empreintes. Un homme politique, même s'il a toute une équipe derrière lui, va relire ses discours avant de s'adresser à son public. Il va le modifier selon sa personnalité, et puis le spin ou le communicant ne va pas être avec lui quand il est en présentation. Il peut en faire ce qu'il veut, il peut rajouter ce qu'il veut. Une relation de confiance doit cependant exister entre le communicant et l'homme politique qui est souvent entouré de plusieurs conseillers, ayant des profils très différents et un type de relation avec l'homme politique, propre à chacun d'entre eux. Il a son cercle privé de proches, il a son cercle familial et le spin a des difficultés pour trouver sa place avec toutes les théories qu'il essaie d'avancer et ses méthodes un peu rationalisées qui sont souvent empruntées au marketing commercial. Et même si l'image d'une marque, comme celle d'un homme politique, se construit généralement dans le temps, des différences notoires sont à constater entre la communication d'un homme politique et celle d'une marque commerciale. Mais les points de similitudes qui pourraient persister selon la plupart des analystes sont essentiellement le fait que les hommes politiques construisent un territoire d'expression que l'on qualifie de positionnement dans le domaine commercial. Les thématiques qu'ils choisissent et leur ton de communication leur permettent de se différencier de leurs adversaires et d'occuper une place originale dans l'échiquier politique. Séduire le plus grand nombre tout en se différenciant des autres concurrents est l'équation qui est la plus difficile à résoudre aussi bien pour un homme politique que pour une marque commerciale. Si nous venons aux domaines de différenciations , personnellement je pense qu'on ne peut pas traiter un candidat ou un homme politique en général comme on traite un produit commercial ou une marque qui a souvent du mal a créer une relation durable dans le temps avec les consommateurs. Dans ce domaine les hommes politiques disposent d'atouts beaucoup plus puissants que ceux des marques, le partage des valeurs est consubstantiel aux fonctions représentatives du politique. Ils peuvent plus facilement construire une certaine connexion profonde et incarnée avec leurs électeurs. Ils est également important de noter que si les stratégies de communication virales s'appuyant sur les leaders d'opinion sont souvent vues comme compléments dans le domaine des marques, elles sont centrales pour les hommes politiques dont la capacité de mobilisation des militants et des cadres du parti est primordiale pour expliquer le succès d'une campagne. Les Américains étaient les premiers à s'inspirer du marketing commercial dès le début des années 50 bien avant les Européens. L'omnipotence du marketing politique moderne aux Etats-Unis a été très rapidement établie : en moins de 10 ans entre les élections présidentielles de 1952 et celles de 1960, il était devenu essentiel. Cette antériorité du marketing politique aux Etats-Unis par rapport au reste du monde et notamment à l'Europe est due essentiellement à trois facteurs dont les effets sont facilement observables jusqu'à chez nous aujourd'hui. A savoir 1/ Les particularités de leur système électoral qui est caractérisé par leur fameux système des « primaires », 2/ La tradition de « communication démocratique », ou l'obligation de pratiquer un minimum de communication politique afin d'être désigné pour une fonction au service de la collectivité. Et finalement et essentiellement, 3/ l'antériorité de la médiatisation de masse et de la pénétration d'internet, à titre indicatif on peu citer le taux des Américains possédant un poste de télé chez eux en 1952 et qui s'élevait en moyenne à 50% alors qu'il n'était que de 10% en France sachant que la télé est restée depuis la reine des canaux de communication d'un homme politique avec les citoyens.
Mais gardons en tête que l'homme politique soumis aux règles du marketing politique doit construire son image sur la durée en se basant sur les axes à travers lesquels il est le plus crédible. On a des qualités que nous incarnons et il vaut mieux communiquer sur ça. On appelle ça aussi les « issue ownership » c.-à-d. les enjeux ou domaines qu'on peut s'approprier et sur lesquels on est les plus crédibles, ou encore les domaines de crédibilité sectorielle. Il faut les rationaliser parce que ça aide à évaluer les résultats par la suite par une stratégie bien visible aidant tout le parti à respecter un minimum de cohérence dans sa communication globale. L'homme politique aujourd'hui a tendance à parler de tout, et à s'adresser à tout le monde, à différents publics d'une manière souvent uniforme. Est-ce qu'on choisit d'adresser un message à une cible précise et on choisit de répéter ce message et s'assurer de l'avoir conquis pour impulser la décision de vote ? Ou s'adresser à une cible plus large et après le message est complètement différent puisqu'il sera plus généraliste et forcement plus générique. D'où la nécessité de se faire des choix stratégiques dès le début et l'exercice n'est point facile car choisir est toujours un acte ou l'on doit céder sur certaines de nos préférences. Se restreindre à deux ou trois thèmes autour desquels sera axée une campagne et faire le choix d'un fil conducteur qui balise l'ensemble du groupe à regarder dans la même direction est vraiment la grande difficulté que les communicants ont pour convaincre les hommes politiques. L'autre difficulté de la classe politique tunisienne c'est qu'on a tellement l'habitude de s'adresser à une élite avertie, tels que les hommes politiques, les journalistes, si bien qu'au moment qu'on a envie de s'adresser au citoyen on a beaucoup de difficultés à trouver les termes simples et les idées accessibles à ce public pas forcement habitués à un langage de spécialistes, la transmission des idées en est forcement altérée.
Dans un contexte comme celui là, que faut-il faire, en prenant le cas de votre parti ?
Ça dépend des partis, ça dépend des poids qu'on a dans les sondages. Maintenant faut-il prendre pour argent comptant les sondages ? Si on est au top des sondages, je pense qu'il faut en tenir compte, parce qu'on n'a pas envie de perdre sa place et c'est ce qui fait que l'adhésion augmente au fur et à mesure que l'échéance approche. L'intérêt des sondages aussi réside dans le fait de faire des constats comparatifs entre un sondage et un autre, est-ce qu'on est en train de monter, de descendre, peut importe les chiffres, mais c'est la tendance qui importe. Pour nous, on est un petit parti, on n'a pas encore franchi la barre fatidique des 5% dans les sondages. Nous sommes dans une optique de programme, de communiquer autour d'une vision et d'apporter autant que possible les preuves que nous sommes capables d'aller jusqu'au bout de nos promesses et qu'on est capable de se doter des moyens nécessaires pour les atteindre et les réaliser pour le bien de tous. Montrer notre capacité à gérer au mieux nos équipes et rendre toujours plus efficace notre organisation interne, nous travaillons sur la cohésion de notre groupe et sur les facteurs qui peuvent nous maintenir sur le même cap de départ, celui de s'investir pour une Tunisie meilleure. D'un autre côté, nous veillons à entretenir de bons rapports marqués par des échanges continus avec nos alliés potentiels ou tous simplement tous ceux qui appartiennent à notre famille politique au sein de laquelle nous défendons les mêmes valeurs. Car nous estimons que le combat de court terme sera le thème central de la prochaine campagne à savoir écarter la menace d'une islamisation de la société tunisienne tout en affirmant notre fierté d'appartenir à un pays qui a de tous les temps constitué un carrefour des cultures et des civilisations dont notamment la civilisation arabe et musulmane. Créer un vrai équilibre politique en Tunisie en agissant sur l'écart considérable qui avait séparé le score du premier parti aux dernières élections et celui du deuxième sans parler de tous ceux qui venaient loin derrière est l'affaire de tous les démocrates modernistes qui n'ont d'autre choix que de s'unir pour atteindre cet objectif vital pour instaurer une démocratie pérenne dans ce pays. C'est l'enjeu immédiat. Une fois ceci atteint, et je l'espère, il va falloir penser à de nouveaux défis, les islamistes vont rester dans le paysage avec un poids qui sera beaucoup moins important que les premières élections, et à partir de là émergera le besoin d'avoir un autre projet pour la Tunisie. Un projet qui repose sur une vision plutôt économique et sociale, une meilleure répartition des richesses et surtout une lutte acharnée contre la disparité régionale. Nous sommes un parti pragmatique, qui croit à la valeur du travail et du mérite, qui appelle à garder le sens de la responsabilité et qui défend les libertés fondamentales, nous croyons à la solidarité non seulement entre les différentes composantes de notre société mais également entre les différentes régions de notre pays, celles dites chanceuses et celles oubliées par les politiques. Nous agirons dans une transparence et une abnégation que nous dictent le devoir national et le rêve d'une Tunisie meilleure.
Quelle est la spécificité de l'électeur tunisien ?
On peut réfléchir en termes de demandes et d'offres, demandes du citoyen et offres de l'homme politique, c'est là où la communication politique doit intervenir. Comme il y a le comportement du consommateur, il y a aussi le comportement de l'électeur. L'électeur tunisien n'est pas très différent des autres électeurs du monde entier. Les hommes politiques font aussi cette erreur de ne pas étudier la demande de leur cible qui est l'électeur potentiel. On s'adresse plus à l'élite, plus aux journalistes, plus aux adversaires sans faire suffisamment attention à l'électeur, et on tombe dans un excès de communication négative, ce qui contribue à rendre de plus en plus terne l'image du politique pour le citoyen. A force de dire du mal de l'autre, à force d'exercer cette communication négative, on finit par ternir l'image du politique en général. Tout se prévoit, tout doit être étudié à l'avance, surtout quand on sait la vitalité de l'information et que tout le monde utilise les réseaux sociaux, et a accès à l'information en un temps record. C'est l'une des composante qui caractérise notre époque et dont les hommes politiques doivent s'imprégner et intégrer dans leurs stratégies de communication respectives . Il y a des moments où on ne contrôle plus rien, on ne contrôle plus le réseau de diffusion de l'information qu'on essaie de donner , le Tunisien d'aujourd'hui comme tous les citoyens du monde d'ailleurs, est sur-informé , il est sur-connecté , il est déçu et il a des attentes qui ont très vite évolué pendant les trois dernières années , et s'il ne sait pas exactement quel projet politique pourrait correspondre à ses aspirations , il sait au moins ce qu'il n'a plus du tout envie de subir de nouveau .


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